Extrême droiteLibrairieFPContenu payant

À droite toute !

Très nombreux sont les auteurs du XXe siècle à avoir brandi et assumé les banderoles de l’extrême gauche. En revanche, s’il est difficile de parler des « écrivains d’extrême droite », c’est que rares sont ceux qui ont clairement revendiqué cette définition d’eux-mêmes. La critique littéraire, dont le rôle est aussi d’assigner des appartenances, a logiquement situé à l’extrême-droite les écrivains vichystes ayant collaboré et sympathisé avec le nazisme, ou dont les prises de position ont signalé des accointances avec l’idéologie de l’Occupation – antirépublicanisme, antisémitisme au premier chef. En amont et en aval de la Seconde Guerre mondiale, on classe à l’extrême-droite les auteurs qui, délibérément, se sont situés en dehors de la pensée commune, qui va des modérés aux communistes. L’affaire Dreyfus, la séparation Église/État, les Ligues, le colonialisme, le nationalisme et le refus des progressismes sociétaux peuvent constituer des marqueurs de cette mouvance, à quoi s’ajoutent, horresco referens, un sens aigu de l’individualisme et un goût certain pour la vacherie ou l’injure.

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Maurice Barrès et Charles Maurras, à l’orée du siècle

Grand, pour ne pas dire immense, est l’écart entre la gloire qu’a connue Maurice Barrès de son vivant et le discrédit – le mot est faible – dans lequel il est tombé aujourd’hui. Au point que des voix s’élevèrent quand le nom de l’ex-illustre écrivain fut inscrit au calendrier national des commémorations en 2023. Barrès a littéralement enchanté toute une génération à la jointure des XIX et XXe siècles : apôtre de l’égotisme, puis chantre de la nation et procureur implacable lors de l’affaire Dreyfus, ce Lorrain brillant a séduit ceux que Thibaudet, dans sa remarquable étude sur les idées politiques, nomme les « traditionalistes ». Qu’il définit comme ceux qui « respectent les deux forces de l’ancienne France, la monarchie et l’Église » et qui « tiennent l’imitation et la continuation du passé pour un bien en soi ». Barrès a incarné pendant quelques décennies les Lettres, lesquelles sont marquées par le dextrisme quand c’est le sinistrisme (toujours selon Thibaudet) qui domine à la Chambre. En somme, à l’époque, la main droite parle et prêche, la main gauche gouverne. Les deux moments clés furent pour Barrès son engagement contre Dreyfus et son combat pour la guerre opposant la France à l’Allemagne. Il apparaît clairement comme le double inversé de Jaurès : la mémoire culturelle a tranché en faveur du pacifiste assassiné, laissant le nationaliste dans l’habit dérisoire du « rossignol du carnage ». Pourtant, Barrès est un écrivain très complexe, que la rigidité des étiquettes échoue à cerner : il a été socialiste dans sa jeunesse, lecteur de Michelet et de Renan, exaltant la justice sociale et le sentiment national, pour devenir le thuriféraire lyrique de la terre et des morts. Lorrain amoureux de ses racines, revanchard d’après 70, il glisse vers le...

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