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Banlieues, "la frontière des temps barbares"

Fin connaisseur des réalités du terrain, Michel Aubouin dresse un constat implacable de l’extrême violence qui sévit dans les cités françaises, alimentée par le communautarisme, la démission de l’État et la crise sanitaire.

/2021/08/8-banlieues

Les guerres tribales ont repris, avec plus de vigueur, opposant presque chaque soir des groupes d’adolescents dans des combats parfois mortels. Le dernier en date, au moment où j’écris ces lignes, s’est déroulé le 13 juin 2021, à Sotteville-lès-Rouen. Une bataille rangée entre des jeunes d’un quartier de Rouen et d’autres venus du Petit-Quevilly s’est conclue par la mort d’un garçon de seize ans, retrouvé baignant dans son sang. Dourdan, Boussy-Saint-Antoine, Vanves, Champigny-sur-Marne, Évry… la liste s’allonge depuis le début de l’année et touche des communes jusque-là épargnées. On se bat même à Mamers, en plein cœur du bocage ! Le phénomène n’est pas nouveau mais il prend de l’ampleur. Les guerres des boutons, en comparaison, étaient d’aimables jeux. Surtout, les protagonistes de ces violences sont de plus en plus jeunes, des collégiens pour la plupart. Ces guerres n’ont pas de sens pour les adultes que nous sommes. Les combats sont planifiés d’un commun accord, les deux parties se rendent sur les lieux de l’affrontement en VTC, sans craindre de donner la mort ni de perdre la vie. Ils répondent à un système de valeurs et de références anachronique dans une société policée par plusieurs siècles d’organisation. On se bat pour être un « bonhomme », on se bat pour venger l’ami et par détestation de l’ennemi. Le maître-mot, c’est l’honneur. Étrange idée lorsqu’on y songe, car c’est justement pour lutter contre les effets mortifères de l’honneur que la justice médiévale s’est constituée. Aurions-nous franchi à rebours, sans le savoir, la frontière des temps barbares ?

LA DISPARITION DE L’ÉTAT

Au XIIIe siècle, on appelait cela la « faide », le droit à la vengeance privée. Son interdiction fut le premier objet de la justice du roi car la faide, qui engendre la succession sans fin des crimes de sang, jusqu’à l’extinction du dernier protagoniste, porte...