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Conversation intempestive avec le Général – par Michel Onfray

En choisissant de consacrer les hors-séries de Front Populaire à la question de la civilisation, nous avons fait le pari de l’exigence. Les conversations sur l’origine et les fins dernières des choses impliquent la longue portée et le haut vol, là où l’oxygène intellectuel se raréfie. Et puisque la musique d’un grand mort a parfois plus d’écho que le vacarme des vivants, c’est avec Charles de Gaulle que nous avons choisi de nous entretenir. Dans cet échange aussi original qu’inattendu, Michel Onfray s’est fait l’humble archiviste des propos du général. Des questions précises et une logique de prélèvement dans l’œuvre ont ainsi permis de donner force et cohérence à la proposition civilisationnelle du fondateur de la Ve République. Proposition qui, nous le croyons, conserve une urgente actualité. Pas d’ambitions spirites, donc ! Simplement la conviction que le journaliste parlementaire Jean-Raymond Tournoux, contemporain du général, avait vu juste : « Les dernières salves du gaullisme n’ont pas encore été tirées, et la dernière viendra d’outre-tombe. »

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« Quel est le rôle d'un intellectuel, sinon de combattre les préjugés ? Qu’ai-je fait d'autre toute ma vie ? Et pourtant, je me heurte à des préjugés plus forts chez les intellectuels que dans aucune autre catégorie de la nation. » Alain Peyrefitte, C'était de Gaulle, tome II., éd. Fayard, p.18

« Il lui est arrivé de citer Proudhon et Fourier pour les opposer aux philosophes allemands, dont Marx. » Denis Tillinac, Dictionnaire amoureux du général, p. 279, éd. Plon


Michel Onfray : On sait que depuis votre plus jeune âge – vos cahiers d’adolescent en témoignent – vous avez pour la France une incroyable passion. Pour la France et pour son salut, pour son être et la persévérance dans son être. À cette époque, vous vous imaginiez déjà général boutant hors de France des Allemands conquérants et envahisseurs ! C’était en 1095, vous aviez quinze ans. Qu’est-elle pour vous ? Comment vous la représentez-vous ? À quoi songez-vous quand elle est dans votre esprit ?

Charles De Gaulle : Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l’inspire aussi bien que la raison. Ce qu’il y a en moi d’affectif imagine naturellement la France, telle la princesse des contes ou la madone aux fresques des murs, comme vouée à une destinée éminente et exceptionnelle. J’ai, d’instinct, l’impression que la Providence l’a créée pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires. S’il advient que la médiocrité marque, pourtant, ses faits et gestes, j’en éprouve la sensation d’une absurde anomalie, imputable aux fautes des Français, non au génie de la patrie. Mais aussi, le côté positif de mon esprit me convainc que la France n’est réellement elle-même qu’au premier rang ; que, seules de vastes entreprises sont susceptibles de compenser les ferments de dispersion que son peuple porte en lui-même ; que...

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