De l’histoire compliquée que partagèrent la France, Israël et les Arabes, Charles de Gaulle regnante, on ne retient souvent que sa formule célèbre du 27 novembre 1967 sur les juifs, « peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur ». C’est tout réduire à un choc frontal qui, s’il eut bien lieu dans le contexte de la troisième guerre israélo-arabe (1), est loin de résumer ce que furent, trois décennies durant, les rapports de l’homme du 18 juin avec le Moyen-Orient en général et l’État d’Israël en particulier. Une relation mêlée d’admiration mutuelle résume la complexité de cette histoire qui éclaire bien des aspects du présent : celle que David Ben Gourion, le fondateur charismatique de l’État d’Israël, entretint contre vents et marées avec de Gaulle, lequel en dresse, dans ses Mémoires d’espoir, un portrait indissociable des sentiments qu’il porte à Israël : « D’emblée, j’ai pour ce lutteur et ce champion courageux beaucoup de sympathique considération. Sa personne symbolise Israël, qu’il gouverne après avoir dirigé sa fondation et son combat. […] La grandeur d’une entreprise qui consiste à replacer un peuple juif disposant de lui-même sur une terre marquée par sa fabuleuse histoire et qu’il possédait il y a dix-neuf siècles, ne peut manquer de me séduire. Humainement, je tiens pour satisfaisant qu’il retrouve un foyer national et je vois là une sorte de compensation à tant de souffrances endurées au long des âges et portées au pire lors des massacres perpétrés par l’Allemagne d’Hitler. » Quant à Ben Gourion, il écrira à de Gaulle juste après sa conférence de presse de novembre 1967 pour l’assurer qu’au-delà des malentendus qu’elle pouvait susciter, il n’avait jamais connu « amitié plus fidèle et plus sincère que la sienne ».

L’amitié de Gaulle-Ben Gourion

On l’ignore souvent, mais cette amitié, forgée dans la détresse, remonte aux origines de la...