Le Front national et l'Europe : le grand alibi
Le Front national, grand épouvantail de la Ve République ? Pourfendeur de l’Europe maastrichtienne, Georges Kuzmanovic revient sur le rôle clé qu’a tenu et continue de tenir la formation frontiste dans le verrouillage du système eurocratique.
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L’histoire politique française des cinquante dernières années ne saurait être comprise sans analyser le rôle du Front national (FN), aujourd’hui Rassemblement national (RN). De quoi est-il le nom ? Longtemps marginalisé, le parti fondé par Jean-Marie Le Pen a pourtant joué un rôle central dans le maintien du consensus libéral-européiste établi par le traité de Maastricht. La notion de « théâtre antifasciste », telle que formulée par Lionel Jospin, offre une entrée de lecture pertinente : le FN a été l’épouvantail tout trouvé d’un système d’alternance politique limitée, permettant aux partis dits de gouvernement de verrouiller le pouvoir en s’appuyant sur la peur d’une menace fasciste exagérée. Certes, on constate une progression constante de cette formation politique classée à l’extrême droite du spectre politique, avec parfois des périodes de plateau puis des accélérations fulgurantes, comme lors des élections européennes et législatives de 2024. C’est aujourd’hui le premier parti de l’Assemblée nationale avec 143 députés. Il a une assise populaire nette et stable, et sa cheffe de file, Marine Le Pen, est parvenue au second tour des deux dernières élections présidentielles. Il a fallu, une nouvelle fois, lors des dernières législatives, une coalition faite de bric et de broc et surtout de contraires de dix partis politiques pour contrer son éventuelle victoire et sa prise du pouvoir – il s’agissait du fameux Front républicain. Mais pendant toute cette période d’ascension qui semble irrésistible, qui inquiète et fait peur, qui a mobilisé des vagues successives de jeunes contre le FN/RN – sur plusieurs générations, il faut le noter – s’est maintenue au pouvoir en France une expression ou une autre de l’extrême centre. Il a pu être de droite ou de gauche « de gouvernement » dans sa coloration, mais il a toujours été conforme dans sa ligne maastrichtienne, mondialiste, atlantiste, néolibérale,...