L’Antisémitisme à gauche de Michel Dreyfus éd. La Découverte (2009), éd. La Découverte/Poche, 2011

S’appeler Dreyfus et écrire un livre sur l’antisémitisme, voilà qui ne s’invente pas ! Plus sérieusement, une fois le premier sourire de surprise passé, on ne peut qu’apprécier le remarquable travail de Michel Dreyfus (né en 1945, historien, directeur de recherche au CNRS, spécialiste du mouvement ouvrier et du syndicalisme) sur un point aveugle de l’histoire de la gauche : le racisme antijuif, qui, quoique traditionnellement associé à la droite catholique et à l’extrême droite monarchiste, a en effet aussi été une constante de l’autre côté de l’échiquier politique.

Le premier temps de l’antisémitisme à gauche (et non de gauche, l’auteur insiste sur la distinction) s’étend entre 1830 et 1880, quand il était essentiellement économique et s’appuyait sur le vieil antijudaïsme religieux ainsi que sur l’image du juif profiteur et usurier. On le retrouve chez Proudhon, Marx ou Toussenel, un disciple de Charles Fourier.

À partir de 1880, l’antisémitisme à gauche change de dimension et coïncide avec la naissance de l’antisémitisme moderne, idéologie qui s’appuie sur les travaux de soi-disant savants racialistes et séduit certains penseurs du socialisme « scientifique ». Mais avec l’affaire Dreyfus, la plupart des hommes de gauche prennent conscience, dans les dernières années de la décennie 1890 et les premières des années 1900, que les antisémites sont des ennemis de la République et de la démocratie. L’auteur écrit : « Ce tournant est le plus important de toute l’histoire du rapport de la gauche à l’antisémitisme : désormais, plus rien ne sera comme avant. » Les progressistes qui, en petit nombre, continuent à tenir des discours antisémites sont la plupart du temps rejetés aux marges de l’extrême gauche ; Georges Sorel par exemple.

Le troisième temps de l’antisémitisme à gauche est celui des années 1930, avec l’idée que le juif...