Leys (Simon)
En 1971, à rebours de la vague maoïste qui fait florès en France, Simon Leys (1935-2014), un sinologue belge, publie un brûlot implacable pour dénoncer la réalité de la Révolution culturelle chinoise.
Simon Leys est le nom de plume du sinologue belge Pierre Ryckmans. Universitaire au départ classique, il se fait connaître en 1971 par un livre qui le rendra célèbre : Les Habits neufs du président Mao. Le titre est un clin d’œil au conte d’Andersen Les Habits neufs de l’empereur (1837) dont on se souvient de l’argument : deux charlatans confectionnent à un empereur un habit prétendument magnifique mais que seuls les gens intelligents peuvent voir. Ceux qui ne le voient pas sont soit des sots, soit des incompétents dans leur fonction. Or, ce vêtement est… du vide ! Mais personne n’ose le dire, de peur de passer pour sot ou incompétent. Surtout pas l’empereur lui-même, qui va jusqu’à sortir nu en public avec ses prétendus « habits neufs ». Enfin, un enfant dans la foule dénonce la supercherie en disant « Le roi est nu ! » et tout le monde admet qu’il a raison. L’expression est d’ailleurs restée. C’est à une opération analogue que se livre Leys dans son ouvrage à une époque post-68 où la mode du maoïsme connaît son apogée en France et où de nombreux intellectuels sont hypnotisés, voire carrément aveuglés, par la Révolution culturelle chinoise (1966-1976) et l’idée d’un « mouvement des masses » qui ferait l’histoire et annoncerait rien de moins qu’un changement de civilisation. La thèse du livre est que la Révolution culturelle a été une manigance politicienne de Zhou Enlai et Mao Zedong pour reprendre le contrôle de l’État et purger de façon violente le Parti communiste chinois. « La Révolution culturelle, qui n’eut de révolutionnaire que le nom, écrit Leys, et de culturel que le prétexte tactique initial, fut une lutte pour le pouvoir menée au sommet entre une poignée d’individus derrière le rideau de fumée d’un fictif mouvement de masses (1) […]. » Contrairement à la plupart des intellectuels de...