Mai 68 a-t-il rendu la sexualité plus heureuse ?
Si Renaud Camus occupe une place de choix dans le présent hors-série, c’est d’abord au titre du « grand remplacement », expression (controversée) dont il est l’inventeur, et que Michel Onfray et Michel Houellebecq ont tenue à commenter. Seulement, il serait injuste de réduire cet écrivain maudit à la seule question du sujet migratoire. L’auteur de Tricks, livre incontournable sur l’homosexualité (sorti en 1979 aux éditions Mazarine) a bien d’autres choses à nous dire. Nous lui avons demandé de se pencher sur un sujet très présent dans l’œuvre de Michel Houellebecq : Mai 68 a-t-il rendu la sexualité plus heureuse ?
Mai 68 a-t-il rendu la sexualité plus heureuse ? demandez-vous. La mienne, en tout cas, certainement. Et cela sur les barricades, ou juste en dessous. À l’époque, c’était à peu près tout le mérite que je trouvais au mouvement, mais il était immense. Pour le reste, je suis de ceux qui passèrent des barrières de pavés à la manif gaullo-malrucienne du 31 mai, et retour. Je voulais bien changer le monde, mais pas au profit de la SFIO et de Waldeck-Rochet. Si c’était pour le remplacer par Gaston Defferre, autant garder le Général.
Plus heureuse, maintenant, c’est peut-être beaucoup dire, mais plus drôle, certainement, plus joyeuse, sur le moment, et surtout beaucoup plus active. Cependant, on dit « Mai 68 » – c’est une date de convention, utile, mais dont les vibrations, comme celles de 1789, se font sentir trente ans avant elle, et trente après. On dit : « libération sexuelle » bien sûr : cependant, je puis témoigner qu’à la belle saison de 1967, pour ne pas remonter trop loin, les jardins du quai Branly, à deux pas de la tour Eiffel, à Paris, étaient toutes les nuits le théâtre d’orgies homosexuelles plus enlevées et plus gaies que tout ce que j’ai pu observer par la suite, je crois bien, centaines de corps demi-nus courant d’un buisson à l’autre sur le gazon, sous la lune amusée. La police devait l’être aussi, elle intervenait peu. On disait le préfet de police naturellement porté au laisser-faire. C’est presque à croire que 68 n’a fait qu’entériner, dans ce domaine, des situations bien antérieures, qui le rendaient inévitable. L’époque a créé Mai autant que Mai l’époque.
La pilule, si discrète
Le plaisant, avec la sociologie honnête et puérile, c’est qu’on peut y entrer de n’importe quel côté, comme dans la culture. Elles ressemblent à ces bâtiments modernes qui se...