Post-colonialisme
Le discours post-colonial ne date pas de 1968 mais il est un fruit de l’arbre de la déconstruction, celui qui a pavé la route aux décoloniaux contemporains.
La fin des années 1960 est marquée par le tiers-mondisme (voir « Tiers-mondisme ») qui accompagne le processus de décolonisation. La pensée dominante de ces années-là, ce que Luc Ferry et Alain Renault ont appelé la « pensée 68 », est imbriquée dans ce contexte de montée en puissance d’un sentiment antioccidental. Le wokisme n’existe pas encore, mais il sera la queue de comète de cette effervescence. Cohn-Bendit, July, Geismar ou Krivine ont peu à voir avec nos décoloniaux contemporains. Sartre et Foucault en revanche, et bien qu’avec des présupposés théoriques différents, ont posé des jalons décisifs.
Dans Mai 68, Le débat (2008), Alain Finkielkraut note : « Il me semble que cet acharnement antihumaniste ne se conçoit que dans le contexte de la décolonisation ; je crois que ce que vous appelez la pensée 68 est l’effort français pour produire une philosophie de la décolonisation, une critique de l’ethnocentrisme occidental qui aboutisse à la dissolution de l’homme, au relativisme culturel et à l’émiettement du sujet humain en une série de totalités irréductibles entre elles et toutes aussi authentiquement valables les unes que les autres. » En effet, le tiers-mondisme et l’anticolonialisme classiques ont accompagné le processus de décolonisation des années 1950. À l’époque, Frantz Fanon écrit Peaux noires, masques blancs (1952), Albert Memmi écrit Portrait du colonisé précédé de Portrait du colonisateur (1957) et préfacé par Sartre. Frantz Fanon enfonce le clou avec Les Damnés de la terre (1961), également préfacé par Sartre, et dont l’engagement est pour le moins jusqu’au-boutiste : « Car, en le premier temps de la révolte, il faut tuer : abattre un Européen c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre ; le survivant, pour la première fois, sent un sol national sous la plante de ses...