Tiers-mondisme
En vogue depuis la décolonisation, le tiers-mondisme fait partie du bagage intellectuel de mai 68. Mais chasser de Gaulle du pouvoir, était-ce la meilleure idée du monde ?
La fin des années 1960 en France forme l’acmé de ce qu’on a appelé le « tiers-mondisme », idéologie de soutien aux pays en retard de développement et considérés comme victimes de l’impérialisme occidental. Le tiers-mondisme est globalement une idéologie de défense du « Sud » contre le « Nord », lequel concentre trois maux : le colonialisme (pour les pays encore sous domination directe), le néocolonialisme (pour les pays officiellement décolonisés) et l’impérialisme. L’impérialisme est à entendre dans sa double acception : à la fois léniniste (comme « stade suprême du capitalisme ») et géopolitique (comme vision américaine du monde). Le tiers-mondisme se développe dans les années 1950-1960 en France dans les milieux d’extrême gauche pour contester le colonialisme, le néocolonialisme et l’impérialisme, ainsi que pour soutenir les luttes de libération nationale. Ce soutien est parfois pensé comme une troisième voie entre les deux blocs américain et soviétique (logique gaullienne), mais se situe le plus souvent dans le sillage de la stratégie soviétique qui, dans un contexte de guerre froide avec les USA, prend le parti de contourner l’Occident en soutenant les processus révolutionnaires du tiers-monde, exemplairement la révolution castriste à Cuba.
Dans son message à la Conférence tricontinentale de 1966 à La Havane (une décennie après la conférence de Bandung de 1955), Che Guevara désigne ouvertement « le grand ennemi du genre humain : les États-Unis d’Amérique ». Ce tiers-mondisme irrigue bien entendu la révolte de mai 68 à laquelle participent par exemple les Comités Vietnam, constitués quelques années plus tôt contre l’impérialisme américain. Une partie de la jeunesse radicalisée regarde avec fascination vers les mouvements révolutionnaires du tiers-monde : Hô Chi Minh, Che Guevara, Fidel Castro servent de modèles pour certains et l’irruption sur la scène chinoise des jeunes Gardes rouges donne l’impression que la jeunesse en tant que telle peut avoir un pouvoir politique dans la société et remettre en...