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Sous l'œil des progressistes

Il est d’un usage courant de résumer la tyrannie à l’interdiction de dire ou de penser. Ce despotisme brut, à front de taureau, est aussi détestable qu’il est aisé à définir, et partant, dirait Julien Freund, plus à même d’être combattu. On peut, avec la proposition que fait Roland Barthes, être plus précis aujourd’hui pour nommer les nouvelles formes de la « police de la pensée ». À l’interdiction de parler s’ajoute – ou se substitue – l’obligation de dire. C’est ce que découvrent, abasourdis, les boomers de gauche d’aujourd’hui, qui entendent des légions de trentenaires exaltés, estampillés « convergence-des-luttes » qui ont remplacé le « je ne vous laisserai pas dire que » par le « il convient dorénavant de dire que ». On le perçoit : la violence de l’interdit construisait des rebelles ; la roideur de l’injonction fabriquera des moutons.

LANOT-22


JÉRÔME LEROY, LES PARTIS PRIS

Enjoué, cultivé, aussi fin chroniqueur que talentueux romancier, Jérôme Leroy ne manque pas de qualités. Il est peu de dire que la politique tient une place prépondérante dans son œuvre, tant ses livres renvoient aux complexités idéologiques du monde actuel. Sereinement marxiste et échotier littéraire à Causeur, notre homme pourrait apparaître à un esprit borné pour le moins singulier : il l’est, et cela donne à ses livres leur tonalité toute particulière. Je retiendrai deux romans, édités chez Gallimard, en guise de présentation. D’une part, Jugan, publié en 2017, dont le protagoniste et personnage éponyme nous conduit dans les eaux rouges et blêmes de l’activisme d’extrême gauche, et ce à Noirville (sic) dans le Cotentin ensorcelant du grand Barbey ; de l’autre, Le Bloc, en 2011, qui nous met en présence d’un surprenant duo, Antoine et Stanko, tous deux membres du Bloc patriotique, ce parti d’extrême droite qui est en passe de faire son entrée au gouvernement. On le perçoit, le compas est grand ouvert, d’un extrême l’autre. Leroy est un remarquable compositeur de situations, qui sait faire parler juste ses personnages, et nous impliquer dans leur univers. La valeur et la force de ces deux textes tient au fait que le romancier ne cède ni au polémiste étroit ni au sermonneur facile ni non plus au démonstrateur patenté : il donne à voir, dans leurs replis secrets, les fonctionnements de ses personnages, leurs tares et leurs hantises, leurs aspirations et leur imaginaire. Comment peut-on basculer dans l’action destructrice du gauchisme ? Comment un esthète à la Drieu vire-t-il à droite toute ? Rien n’est asséné ni imposé, tout est vu et senti. Cette descente aux extrêmes est passionnante, riche d’une leçon que le lecteur – et lui seul – s’offrira de tirer.


ORWELL, SUR LE QUAI

Wigan Pier...

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