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Avec Denis Kohler

HOMMAGE. Le traducteur et historien Denis Kohler était un amoureux passionné de la littérature et de la Grèce, où il a vécu et enseigné durant plus de vingt ans. Directeur de recherches au CNRS, il fut l’un des meilleurs traducteurs du grec moderne en français et un merveilleux passeur vers des œuvres majeures de sa culture moderne et contemporaine. Il a quitté ce monde le 12 janvier dernier.

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Parfois, le bonheur d’écrire et de voir achevé un livre sur lequel on a travaillé plusieurs années se double du bonheur de rencontrer, grâce à lui, quelqu’un que vous admirez. C’est ce qui m’est arrivé avec La Grèce et les Balkans, lorsque Denis Kohler, dont je viens d’apprendre le décès, m’a invité chez lui.

Lorsqu’à 15 ans, en 1973, je suis allé pour la première fois en Grèce, j’ai été ébloui par ces sites archéologiques et ces musées que je rêvais de voir – je voulais devenir archéologue. Mais cette Grèce, dont je tombai alors amoureux pour la vie, n’était pas peuplée que d’antiquités. Pour l’adolescent que j’étais, vivre en démocratie allait de soi, alors que ce pays si proche, berceau de la démocratie avais-je appris, vivait en dictature. Pourquoi ? La guerre d’Espagne, Franco, Guernica, on savait : il y avait des documentaires, des livres à foison. Mais la Grèce ? De retour en France, j’ai cherché tout ce que je pouvais lire ; il n’y avait pas grand-chose et il n’y avait pas Internet.

Pendant des années, je suis resté à l’affût des romans traduits du grec moderne qui permettaient de comprendre un peu ce qu’avaient vécu les Grecs depuis leur indépendance, j’ai fouiné chez les bouquinistes pour trouver des livres épuisés sur la Résistance. Et puis un jour, à la librairie hellénique Desmos, près de Montparnasse, je suis tombé sur deux des belles couvertures bleues du Mercure de France : Georges Séféris, Essais, Hellénisme et création, et Pages du Journal (1925-1971) [1] parus en 1987 et 1988. C’est par Denis Kohler, avec ses mots, que j’ai commencé à lire Séféris, le diariste toujours lucide sur l’histoire qui se fait sous ses yeux, et l’essayiste toujours si pénétrant sur la profondeur du temps qui structure et donne son sens à...

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