CritiqueIdées

Contrecœur de Pierre Mari ou les derniers soubresauts de la langue

CRITIQUE. « Le discours critique doit « impose(r) l’évidence que l’œuvre est venue le chercher » », dit Pierre Mari dans Contrecœur (éd. La Nouvelle librairie). Voilà qui tombe bien : son essai appelle en effet de façon irrépressible une recension.

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Dans Contrecœur, recueil de chroniques paru aux éditions La Nouvelle Librairie, Pierre Mari poursuit le travail de deux autres ouvrages décisifs sur la langue : La littérature sans estomac de Pierre Jourde – pamphlet sur la littérature contemporaine et prolongement de La littérature à l’estomac de Julien Gracq – et La langue des médias d’Ingrid Riocreux, ouvrage brillant mettant en parallèle appauvrissement de la langue journalistique et « fabrique du consentement ». Mais le livre va plus loin car comme l’auteur l’explique parfaitement, le sujet est « indissociablement littéraire et politique. Une société n’obéit pas au cloisonnement des rubriques d’un quotidien. Un romancier nul et un élu qui pratique la langue de polystyrène renvoient rigoureusement au même état de crise (…) En un sens, d’un texte à l’autre, c’est toujours de la même chose qu’il s’agit : de la France sans littérature. »

Ainsi, si le recueil fustige sans arrêt « les aligneurs de mots ou de formes (…) incapable(s) d’enjamber le grouillement à la fois futile et envahissant de (leur) propre individualité », il rappelle que « les poncifs usés jusqu’à la trame » et « les néologismes saturés d’air du temps » ne sont pas l’apanage de l’édition. « Nous vivons en effet dans une société où « la moindre phrase, le plus petit développement semblent avoir été proférés ailleurs, mâchés et remâchés par d’autres, dans des livres, des journaux ou sur des plateaux de télévision. »

Pour contrer le système mis en place, à savoir « la dilution de la critique dans l’accompagnement promotionnel, le remplacement des écrivains par les fabricants de livres, le degré zéro de l’exigence imaginaire et stylistique, le refus de toute confrontation authentique avec l’histoire littéraire de la France », il faudrait des réactions à la hauteur des enjeux. Car comme l’explique l’auteur, la moindre...

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