La puissance et la foi
CRITIQUE. A l’heure où les rapports entre la religion et la société civile semblent entrer en turbulence, il n’est pas vain de méditer les liens séculaires entretenus dans l’histoire par les phénomènes politiques et religieux. C’est ce que propose le philosophe Alain de Benoist dans La Puissance et la foi, aux éditions Pierre Guillaume de Roux.
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Il n’y a sans doute pas de thématique plus profonde et plus structurante dans l’histoire européenne que celle des relations d’interaction entre les pouvoirs temporels et spirituels. Qui, du ciel ou de la terre, doit régir l’organisation de la vie des hommes ? Telle est en somme la question des questions. On aurait à ce titre bien tort d’y voir une question d’intello artificiellement gonflé à l’hélium des prétentions universitaires.
Toute l’histoire de l’Europe, depuis près de mille ans, a dépendu de cette question. Dans son Histoire intellectuelle du libéralisme, le philosophe politique Pierre Manent le dit clairement : « Le développement politique de l'Europe n'est compréhensible que comme l'histoire des réponses aux problèmes posés par l'Église (…) La clef du développement européen, c'est ce qu'en termes savants on appelle le problème théologico-politique. »
Le syntagme a de quoi effrayer : « problème théologico-politique ». Il n’est rien d’autre que la traduction du duel du politique et du religieux pour le pouvoir à travers l’histoire, en somme, le duel de la puissance et de la foi. Il serait inexact de penser que ce duel est derrière nous. Tous ceux qui ont étudié de près cette question ont montré que les grands mots politiques de la modernité sont en fait des produits dérivés du christianisme. Le juriste allemand Carl Schmitt, dont l’œuvre sert de toile de fond aux essais compilés dans ce livre d’Alain de Benoist, le note dans son ouvrage Théologie politique (1922) : « tous les concepts prégnants de la théorie moderne de l’État sont des concepts théologiques sécularisés. »
La sécularisation est le lent processus par lequel les institutions religieuses ont peu à peu perdu de leur autorité, créant, en miroir, un phénomène d’autonomisation progressive des institutions politiques. À partir de la Querelle des Investitures (11ème/12ème siècles) qui voit l’affrontement entre le pape et l’empereur germanique...