Le Comte de Monte-Cristo, un succès populaire, non populacier
CONTRIBUTION / OPINION. Plusieurs mois après la sortie du film Le Comte de Monte-Cristo de Dimitri Rassam qui dépasse les 9 millions d’entrées, et après une lecture attentive du texte d’Alexandre Dumas, comment peut-on expliquer ce succès populaire alors même que le film est assez peu fidèle au roman ?
Il est vrai que de nombreuses libertés prises par les scénaristes avec le texte ont pu froisser le spectateur éclairé qui connaissait son Monte-Cristo sur le bout des doigts. La simplification à l’extrême de l’intrigue entièrement dirigée vers la vengeance fait disparaître nombre de personnages secondaires dignes d’intérêt (Caderousse le minable, Morel fils l’homme pur qui ressuscite la figure du jeune Edmond, Mme de Villefort qui s’inscrit dans la lignée des grandes empoisonneuses…) ; l’arrière-plan historique est à peine esquissé dans le film alors même qu’il explique le revirement de fortune et de statut de nombreux personnages de type balzacien, et leur ancrage dans une société instable où le pouvoir du Monarque revient après deux tentatives bonapartistes (pouvoir totalitaire qui permet d’enfermer Edmond Dantès sans autre forme de procès) ; toute la partie italienne disparaît, la féérie du carnaval de Rome permettait pourtant de jeter les bases du nouveau personnage manipulateur, distant et cruel qui renaît sous les traits du Comte de Monte-Cristo.
Mais le film a paradoxalement respecté l’esprit du texte, et les 1400 pages du roman nécessitaient forcément des impasses et des travestissements qui n’ont pas versé dans le contresens. Ainsi, le faste des décors – comme la serre végétale, théâtre de l’explication entre Mercédès et le comte – et des accessoires fait revivre les extravagances exotiques de la grotte de l’île de Monte-Cristo, de la maison d’Auteuil restaurée en quelques jours comme dans un conte merveilleux où il suffit de vouloir pour pouvoir. Les costumes et les voitures rendent grâce aux « tilburys » et autres « phaétons » hippomobiles ou « yachts » fendant les vagues : la poésie des mots se transforme en images et l’excès de magnificences est totalement fidèle au cadre merveilleux et quasi fantastique du texte de Dumas.
Le personnage central joué par Pierre Niney est en accord avec...