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Frédéric Beigbeder face au père

CONTRIBUTION / OPINION. Dans Un homme seul (Grasset), Frédéric Beigbeder retrace la trajectoire de son père avec une lucidité tendre et cruelle. Ni roman classique, ni autofiction nombriliste, il explore l’après-guerre, les illusions de la réussite, la solitude, et les failles de la filiation, dans un récit où il ausculte la vie mondaine, la mort clinique, et la paternité bancale.

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J’ai ouvert pour la première fois un livre de Frédéric Beigbeder. Cet aveu d’ignorance ne me coûte pas, car comme je manque de temps pour lire, je choisis mes lectures comme si j’allais mourir demain : dans cette hypothèse je préfère risquer de passer à côté de la prose d’Éric Emmanuel Schmidt ou de Cécile Coulon plutôt que de celle de Montaigne ou de Cervantes. Si, à la grande rigueur, comme chantait Brassens, je pouvais ne pas mourir du tout… mais comme c’est impossible, je ne lis que très peu d’écrivains contemporains (hormis Michel Houellebecq et Sylvain Tesson, et quelques autres parmi lesquels notre pauvre Boualem Sansal), et les rentrées littéraires et autres prix ne sont pour rien dans les choix que j’opère.

Donc lorsque je tente une incursion dans les dernières parutions, comme ce fut le cas avec Un homme seul, le dernier « roman de non-fiction » de Frédéric Beigbeder dans lequel il parle de son père mort en 2023, je n’ai qu’une question à l’esprit : est-ce de la littérature avec un grand L ? Pour le savoir, je me donne quelques critères, trois, qui transforment à mon avis un quelconque récit en une œuvre de création littéraire.

  • Il faut que la narration articule d’une manière ou d’une autre l’histoire racontée avec la société, la grande Histoire, ou le réel au sens large (même métaphorique comme dans 1984 d’Orwell) ; le roman en particulier doit permettre d’accéder à une part de dévoilement balzacien de la mécanique du monde.
  • Il faut que le roman véhicule sur l’auteur, et par porosité sur le lecteur des vérités profondes, complexes, « non prononçables » selon l’expression de Milan Kundera dans L’art du roman, et qui vous transpercent. Un dévoilement chirurgical de la nature humaine.
  • Enfin, et c’est certainement le plus rare, j’attends de la langue que...

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