economieLibéralisme

Guillaume Travers : « Au nom de la fluidité, nous assistons à une montée de la surveillance »

ENTRETIEN. Professeur d’économie et essayiste, Guillaume Travers vient de publier La société de surveillance, stade ultime du libéralisme, aux éditions La Nouvelle librairie. Il y développe une thèse provocatrice mais intéressante : la société de surveillance n’est pas une anomalie du libéralisme, mais sa conclusion logique.

/2021/11/entretien-surveillance-guillaume-travers


Front Populaire : Vous dites que l’idée de ce livre vous est venue pendant le confinement de la crise sanitaire. Pourquoi ?

Guillaume Travers : Plus précisément, l’idée a germé au moment où le passe sanitaire a été adopté et validé par le Conseil constitutionnel. Sur le moment, cet événement m’a paru marquer un recul important, et inquiétant, des libertés publiques. En y réfléchissant davantage, il m’est apparu que le passe sanitaire n’a en fait été qu’une nouvelle étape d’un processus beaucoup plus profond : celui par lequel la vie humaine à l’époque moderne se trouve toujours plus enserrée dans des processus juridiques abstraits, distants. C’est donc cette dynamique de long terme que j’ai voulu éclairer dans mon livre – qui n’est donc un livre ni sur le confinement, ni sur le passe sanitaire.

FP : Pouvez-vous définir succinctement les contours de la liberté moderne et expliquer ce qui la différencie de la liberté « classique » ?

GT : Classiquement, dans le monde antique comme durant le Moyen Âge, les libertés naissent toujours d’un enracinement, d’une appartenance. Dans une cité grecque, par exemple, on peut posséder la terre, ou participer à l’administration publique, parce que l’on est citoyen de cette cité. Au Moyen Âge, on jouit de la possibilité d’exercer un métier parce que l’on est membre de telle ou telle corporation. Cette liberté « classique » est toujours limitée par une appartenance politique ou communautaire. Elle est aussi territorialisée et concrète : on jouit de libertés (au pluriel) particulières. Enfin, puisqu’elles trouvent leur source dans un rapport à la collectivité, les libertés classiques ont toujours pour contrepartie des devoirs. Il en va très différemment de la liberté « libérale » des modernes. Le libéralisme pense l’autonomie de l’individu par rapport au corps politique, et la possibilité pour l’individu de s’autodéterminer indépendamment de toute attache héritée. Cette liberté ne peut donc...

Vous aimerez aussi