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Alexandre del Valle : « Le “djihadisme civilisationnel” deviendra petit à petit impossible à bloquer »

ENTRETIEN. Djihadisme tadjik, Frères musulmans, salafisme... Après l’attaque terroriste à Moscou au Crocus City Hall revendiquée par l’État islamique au Khorassan (EI-K), la branche afghane de l’organisation, le géopolitologue Alexandre del Valle dresse un panorama de la menace islamiste en Europe et en France.

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Ruines du Crocus City Hall de Krasnogorsk, dans la banlieue de Moscou. L'attentat du 22 mars, revendiqué par l'État islamique au Khorassan, aurait fait au moins 139 morts et 182 blessés.© Vyacheslav Prokofyev/TASS/Sipa USA/SIPA


Front Populaire : La France passe en alerte « urgence attentat » suite à l’attaque meurtrière à Moscou, revendiquée par la filière afghane de l’Etat islamique. Les menaces en France - et en Europe - liées à l’islamisme ont-elles changé depuis les attentats de 2015 ?

Alexandre del Valle : Oui, sans aucun doute. Ce qui a changé, c'est le contexte géopolitique, et non pas le contexte sociologique, religieux et démographique, qui lui s’accentue dans le sens du choc civilisationnel que je décris dans mon dernier ouvrage co-écrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse.

Je m’explique : entre 2014 et 2017, au moment des attentats de Charlie Hebdo, du Bataclan, de Bruxelles ou encore de Nice ou Barcelone, nous faisions face à des attentats projetés, certains par Al-Qaïda et beaucoup par Daesh. Ces deux centrales se trouvaient en concurrence en Syrie et en Irak, qui étaient dans une situation d’ascension géopolitique territoriale, avec un besoin d’attirer des gens sur le territoire syro-irakien. Et le meilleur moyen d’attirer des volontaires, c’est de perpétrer des attentats spectaculaires avec des moyens permettant une extrême médiatisation de la cause islamiste qui elle-même suscite des vocations. L’autre grief était bien sûr l’engagement des pays occidentaux (mais aussi de la Russie, des Kurdes et du régime syrien) dans la lutte militaire contre le jihadisme territorialisé à prétention califale et étatique.

Avec le reflux d’Al-Qaïda puis de Daesh en Syrie et en Irak, le djihadisme mondial et califal se fragmente et se déterritorialise, donc il perd des bases arrières et d’entraînement paraétatiques. Il redevient ainsi ce qu’il était avant l’État islamique, avec une kyrielle de groupes djihadistes plus ou moins franchisés et ayant des moyens d’action plus idéologiques que logistiques et territorialisés. Il n'y a donc plus un énorme centre qui polarise et attire des djihadistes du monde...

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