David Cayla : "L'Allemagne abandonnera les quelques éléments de souveraineté qu’elle a pu préserver"
ENTRETIEN. Le bras de fer entre la Cour constitutionnelle allemande et la Commission européenne se poursuit. Gardienne des traités, cette dernière a annoncé hier le lancement d’une procédure d’infraction contre Berlin.
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Front Populaire : La Commission européenne vient d’ouvrir une procédure contre l’Allemagne, arguant un « grave précédent ». Dans le viseur, l’arrêt de la Cour de Karlsruhe de 2020 appelant la BCE à se justifier sur sa politique monétaire hétérodoxe de rachat de dette. Pouvez-vous nous rappeler le contexte ?
David Cayla : En 2014, la BCE engage un programme de rachat de titres publics pour mettre fin à la crise de l’euro. À l’époque, de nombreux pays d’Europe du Sud ne parvenaient plus à se financer sur les marchés en raison de taux d’intérêt trop élevés. L’Union européenne avait dû mettre en place des dispositifs d’urgence pour prêter à ces États en échange de réformes structurelles et de cures d’austérité drastiques.
Or, certains conservateurs allemands, attachés au principe d’indépendance de la banque centrale, estimaient que cette politique dite de quantitative easing allait à l’encontre des traités européens et pénalisait les épargnants allemands. Ils ont donc déposé un recours devant les tribunaux allemands qui ont renvoyé l’affaire à la Cour constitutionnelle. Or cette dernière, au lieu de se déclarer incompétente, a demandé à la BCE de justifier son action, ce qui revient à dire que la BCE devrait rendre des comptes à la justice allemande.
C’est cette décision de la justice allemande que les autorités européennes contestent au nom du principe selon lequel seule la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est compétente en matière de droit européen. Or, cette dernière avait validé la politique de la BCE. De ce fait, la demande de la Cour de Karlsruhe était illégale du point de vue du droit européen.
FP : Au fond, la critique de la Cour de Karlsruhe est que la BCE a dérogé au dogme ordolibéral européen. Est-ce le tropisme de l’Allemagne pour l’austérité budgétaire qui transparaît ici ?
DC : Non, car...