Europenéolibéralisme

David Cayla : « On retrouve dans les traités européens tous les principes néolibéraux »

ENTRETIEN. Économiste et maître de conférences en économie à l’université d’Angers, David Cayla appartient au collectif des Économistes atterrés. Défenseur d’une économie hétérodoxe, il a consacré son dernier ouvrage Populisme et néolibéralisme : il est urgent de tout repenser (éd. De Boeck), aux effets politiques du néolibéralisme.

/2021/08/david-cayla-neolibéralisme

Front Populaire : On entend beaucoup parler de « libéralisme », mais aussi parfois de « néolibéralisme ». Pourriez-vous définir et expliciter ces deux notions ?

David Cayla : Notons que les deux termes ne sont pas acceptés de la même manière. S’il existe de nombreux responsables politiques et des intellectuels qui se revendiquent « libéraux », ils sont très rares en revanche à s’avouer « néolibéraux ». Les personnalités qui sont étiquetées néolibérales le sont en général par leurs adversaires. En effet, dans le langage courant, ce mot revêt une fonction disqualifiante, synonyme le plus souvent d’ultra-libéralisme, soit une idéologie hostile à l’État et à tout transfert sociaux, adepte de l’austérité et au service d’un capitalisme inhumain.

Or, le néolibéralisme est tout autre chose. Si l’on songe à Friedrich Hayek ou à Milton Friedman, qui sont les auteurs néolibéraux les plus connus, leur pensée ne se résume pas à un simple fondamentalisme de marché. Ces deux auteurs affirment au contraire l’importance de l’État et condamnent justement le « dogme » du laissez-faire, pour reprendre le mot de Hayek dans La Route de la servitude (1944). Friedman est sur la même ligne, puisqu’il reconnait l’importance de l’État et écrit dans Capitalisme et liberté(1962) que « le libéral conséquent n’est pas un anarchiste ».

En fait, ce qui distingue les néolibéraux des libéraux classiques, c’est la conscience de la fragilité du marché. Alors que pour les libéraux classiques le marché est perçu comme une institution naturelle qui émerge spontanément du goût de l’échange qui caractérise les êtres humains, du point de vue néolibéral le marché est une institution artificielle et fragile qui peut se dérégler. Aussi préconisent-ils de mettre l’État à son service. D’une certaine manière, les néolibéraux sont les enfants de la crise des années 1930. Ils sont obsédés par les défaillances de marché et par les dysfonctionnements qui pourraient naître...

Vous aimerez aussi