Front Populaire : Trois jours avant la France, le Royaume-Uni a aussi voté pour choisir ses députés le jeudi 4 juillet dernier. Quels étaient les enjeux et le contexte de ces élections législatives ?

Jean-Michel Salmon : Le Premier ministre conservateur, Rishi Sunak, a avancé la date de l’élection, car sa popularité, déjà mauvaise à son arrivée au pouvoir en octobre 2022, n’avait cessé de chuter. Il faut dire qu’il avait trahi les électeurs de Boris Johnson en chassant ce dernier pour pouvoir subrepticement « gripper » le Brexit. Notamment en mettant fin au processus d’abolition des réglementations européennes qui étaient encore en vigueur au Royaume-Uni. En réaction, l’ultra-eurosceptique Nigel Farage, sans qui le Brexit n’aurait jamais eu lieu, a repris en main son parti, l’ex-UKIP, ex-Brexit Party, désormais Reform UK, pour porter le flambeau souverainiste lors de cette élection. La droite étant ainsi divisée, un boulevard s’est ouvert pour la gauche.

FP : Large victoire de la gauche travailliste qui obtient la majorité absolue, déroute des conservateurs… Faut-il y voir des similitudes avec les résultats du scrutin français ?

J-MS : La victoire des travaillistes n’est écrasante qu’en nombre de sièges (411 hors speaker, soit 63 %), tandis qu’en nombre de voix elle est plus serrée (34 %) — c’est l’effet du scrutin majoritaire à un tour, certes, mais pas seulement. De fait, les Travaillistes obtiennent un nombre de voix moins élevé qu’en décembre 2019 (9,7 millions contre 10,3) quand ils avaient pourtant subi une défaite historique !

De son côté le Reform UK de Farage fait quand même près de la moitié du nombre de voix travaillistes (soit 4,1 millions), mais obtient seulement 5 sièges ! La déroute annoncée des conservateurs vient surtout de la division de la droite, sur la ligne adoptée à l’égard du Brexit donc. Si l’on additionne les voix des Tory et celles de Reform UK, on obtient 10,9 millions, soit plus que celles des travaillistes. Mais au total, ils n’obtiennent que 126 sièges. Là est une première similitude avec les résultats du second tour en France, où le RN dépasse les 10 millions de voix, loin devant le NFP (7 millions) et la majorité présidentielle (6,6 millions de voix), mais perd les élections. La seconde similitude est dans le retour de la gauche au pouvoir, sous réserve qu’une large coalition macroniste isolant le LFI ne vienne pas la lui voler.

FP : Le programme des Travaillistes reste pourtant bien différent de celui du Nouveau...