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L’Arménie expire

ENVOYE SPECIAL. Aux frontières de l’Arménie se joue un combat de civilisation, dans l’indifférence occidentale, du silence des mots au silence de mort. Contre la fatalité, deux envoyés spéciaux racontent l’âpreté du réel et l’universelle tristesse de la dépossession. Un reportage de Taline Kortian illustré par des photos de Gilles Bader.

/2021/12/vivre dans des villages enclavés sous la menace-5


C’est presque comme si c’était pour vérifier le triste constat d’Anatole France, plus d’un siècle après son énonciation dans les locaux de La Sorbonne, que nous nous rendîmes dans la contrée biblique du Sud Caucase. Nous n’en étions pourtant pas à notre premier voyage en Arménie : Gilles Bader, photo-reporter, y avait couvert la guerre des 44 jours en 2020 durant la reprise du conflit du Haut-Karabakh, quant à moi, j’y avais traîné mes guêtres pas plus tard qu’en août 2021. Mais cette fois, ce serait différent, nous le savions : impossible d’entrer dans la province autonome arménienne (l’Artsakh) car les journalistes étrangers y sont interdits par l’armée russe depuis février 2021, impossible d’accéder à la plupart des villages du sud de l’Arménie souveraine car ils sont enclavés, impossible de s’arrêter prendre des photos sur la M2, la route nord/sud de l’Arménie la reliant à l’Artsakh comme à la région du Syunik où rien ne va plus car elle est à portée de tirs de snipers azerbaïdjanais depuis l’été dernier et que les attaques azéries y prolifèrent très activement depuis le 16 novembre 2021. Impossible aussi, d’approcher qui que ce soit car la Russie a lié les langues. Nous étions donc bons pour finir au backgammon dans les cafés d’Erevan ou à l’eau de vie dans les clubs d’ethno-jazz d’une capitale vivante et vivifiante malgré les événements terrifiants. Mais un proverbe local dit que « qui transpire reçoit du savon » : sic!

Réunion de crise. Rester pragmatique. Grand I, une voiture à toute épreuve, grand II, un homme des bois ou qui les connaisse comme sa poche, grand III un visa ou on verra. Ce fut la conclusion de ce plan à trois (fixeur, photographe et moi).

« Oïda », « j’ai vu » disaient les Grecs pour « je sais ». On a vu. On sait désormais. À...

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