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Mort du pape François : l’Église catholique entre crise irréconciliable et possible renouveau

CONTRIBUTION / OPINION. Suite au décès du pape François, où en est l’Église catholique dans son rapport au monde ? L’Église, en Occident surtout, semble tiraillée entre, d’un côté, un courant progressiste incarné par le pape François, cherchant à adapter la doctrine aux exigences d’un monde postmoderne ; de l’autre, un retour au traditionalisme et aux dogmes d’avant Vatican II.

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24 avril 2025, Cité du Vatican, Vatican : Des personnes rendent hommage à feu le pape François alors qu'il repose dans la basilique Saint-Pierre au Vatican. Crédits illustration : ©Evandro Inetti/ZUMA/SIPA


Les chiffres sont parlants : en France, plus de 30 % des jeunes catholiques assistent désormais à la messe en latin, tandis que les paroisses plus progressistes peinent à renouveler leurs fidèles. De plus, avec le pape François, on a assisté à une polarisation, où chaque camp se radicalise. Sommes-nous condamnés à choisir entre un progressisme signant la sortie définitive de la religion et le repli sur un passé idéalisé ? Peut-on envisager une troisième voie ?

Historiquement, le christianisme — à l’instar de toutes les religions — a joué un double rôle dans l’édifice des sociétés. D’une part, il régulait les mœurs, entendues ici non comme simple morale individuelle, mais comme système normatif informel — ce qui se fait, ce qui ne se fait pas — et qui façonne la communauté sans recours à la contrainte légale. Les mœurs sont, comme l’a bien vu Hegel, la réalité vivante de l’éthique. D’autre part, il organisait l’espace social avec la famille et l’Église, ces deux institutions structuraient les existences. Il ne faut pas sous-estimer le poids anthropologique de ce double encadrement : bien avant la naissance de l’État-nation, la religion était le cœur battant du lien social. Elle disait qui nous sommes, ce que nous devons faire, et comment vivre ensemble.

C’est précisément cette double fonction de la religion que la modernité a méthodiquement déconstruite. Celle-ci est une émancipation : émancipation de la morale religieuse au profit de l’autonomie kantienne ; émancipation des structures organiques au profit de l’individu souverain. Kant lui-même, pourtant chrétien, affirme cette rupture en plaçant l’homme au centre, non plus Dieu. La loi morale devient alors intérieure, non plus transcendante. Cette révolution intérieure s’est doublée d’une extension géopolitique : l’universalité chrétienne, en s’exportant à travers la colonisation, a paradoxalement sapé ses fondements historiques. Car, en prétendant parler au nom de tous, elle a...

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