« Les Arméniens ont vécu une guerre de civilisation dans l'indifférence du reste du monde »
ENTRETIEN. Une fois n’est pas coutume, l’un de nos contributeurs nous propose un entretien qu’il a lui-même réalisé. Alexis Brunet a rencontré Krikor Amirzayan, journaliste à Nouvelles d'Arménie et Armenews. L’occasion de reparler dans nos colonnes du drame arménien.
Alexis Brunet. À l'heure actuelle, quelle est la situation dans le Haut-Karabakh ?
Krikor Amirzayan. Il y a eu un cessez-le-feu le 10 novembre, maintenu par des forces de sécurité russes. En 1991, une république y a été proclamée avec un parlement, un président et des députés. Cet État incarnait aussi un espace de démocratie dans la région. Tout le système politique de l’État du Haut-Karabakh, incluant notamment la constitution, a été calqué sur le système français. Il y avait 99% d'Arméniens dans cet État, qui vivaient en relation avec l'Arménie.
Et le conflit dans cette région du Sud-Caucase ne date pas d'aujourd'hui, d'où vient-il ?
Au début du XXème siècle, les Arméniens représentaient 95 % de la population de cette région, le reste étant composé de Grecs, de Juifs et d'Azéris. Pour diviser les peuples, Staline a détaché le Karabakh de l'Arménie pour le donner à la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan en 1921. Cela était peut-être aussi dans le but de faire triompher la révolution bolchévique en Asie centrale. De plus, les Arméniens étaient considérés comme des pro-occidentaux, Staline voulait donc donner le ton, défier l'Occident et diviser. Cette enclave n'avait pas lieu d'être donnée à l’Azerbaïdjan. 80 ans plus tard, on voit où cela mène.
Justement, comment en est-on arrivé à cette reprise des hostilités ?
De 1921 à 1991, le Haut-Karabakh est resté soviétique. Dès 1988, quand Gorbatchev a parlé de perestroïka et de signes d'ouvertures, on savait que le monde soviétique allait se disloquer. Depuis 1921, les Arméniens attendaient cette dislocation pour ne plus être sous le joug de l’Azerbaïdjan, qui incarnait la culture turque dont ils ne voulaient pas, d'autant plus après le génocide. En 1988, il y a eu des manifestations en Arménie rassemblant jusqu'à un million de personnes pour réclamer que le Haut-Karabakh soit...