Qatargate : un haut fonctionnaire corrompu protégé par Bruxelles ?
ARTICLE. Soupçonné d’avoir livré des informations confidentielles au Qatar, en échange de cadeaux dispendieux, le haut fonctionnaire européen, Henrik Hololei, n’est toujours pas inquiété par la justice européenne. Et encore moins par la Commission, qui semble plus prompte à vouloir étouffer l’affaire.
Dix-huit mois se sont écoulés et Henrik Hololei n’est toujours pas inquiété. Depuis les révélations sur un potentiel conflit d’intérêts entre le haut fonctionnaire européen et le Qatar, aucune action en justice n’a été entamée. Même si les conclusions accablantes de l’enquête de l'Office antifraude de l'Union européenne (Olaf), dont Libération a dévoilé certains éléments, sont sur le bureau d’Ursula von der Leyen depuis juillet.
En février 2023, Politico révélait déjà que l'Estonien, alors numéro un de la direction générale MOVE (mobilité et transports), aurait accepté neuf voyages en classe affaires sur Qatar Airways entre 2015 et 2021, tous frais payés par le Qatar et des organisations proches comme l'Arab Air Carriers Organization (AACO). Des cadeaux qui ne posaient aucun problème à l’exécutif européen, à condition qu’ils soient déclarés sur un registre de la Commission au regard de la législation sur la transparence, et que le haut-fonctionnaire ait l’accord du directeur général (en l’occurrence, il s’est octroyé l’accord lui-même). Sauf qu’Hololei a bénéficié de ces largesses, alors qu’il menait les négociations sur un accord aérien entre l’UE et Qatar Airways. À l’époque, la médiatrice européenne, Emily O’Reilly, avait interpellé la présidente de la Commission dans une lettre ouverte, pointant « des questions légitimes quant à une éventuelle influence indue du processus décisionnel de l'UE dans ce domaine ».
Bichonné par Bruxelles
Déjà à l’époque, Bruxelles était sur la défensive. La Commission arguait que le haut fonctionnaire Henrik Hololei n’avait pas pris part directement aux négociations sur l’accord « ciel ouvert ». Ce à quoi la médiatrice Emily O’Reilly avait répondu que « le directeur général assume en dernier ressort la responsabilité de ces négociations ». Ursula von der Leyen a finalement décidé de débarquer Hololei de son poste quelques temps après l’ouverture de l’enquête de l’Olaf. Cela avant de le recaser « conseiller politique »...