Romain Bessonnet : « Macron a démonétisé la voix de la France en Russie »
Entretien. Secrétaire général du Cercle Aristote, Romain Bessonnet est à la fois souverainiste français et spécialiste du monde russe. Il est l’auteur de Poutine par lui-même (éd. Jean-Cyrille Godefroy). Nous l’avons interrogé sur la crise russo-ukrainienne.
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Front populaire : Poutine a donc signé la reconnaissance officielle des deux républiques séparatistes du Donbass. Était-ce prévisible ? Que change cette décision ?
Romain Bessonnet : Cette décision était sur la table depuis deux ans. C’était d’ailleurs le groupe communiste à la Douma qui l’avait portée et avait essuyé un refus de la majorité présidentielle qui croyait encore au processus de Minsk. Cette décision était dans l’air depuis plusieurs semaines. En effet, Emmanuel Macron et les médias français s’étaient concentrés sur la question de l’extension de l’OTAN à l’Est, mais avaient négligé la seconde partie des revendications russes : des avancées notables dans le processus de règlement de la question du Donbass. Olaf Scholz avait promis des avancées tangibles dans la partie politique des accords (modification constitutionnelle, statut d’autonomie pour ces territoires, amnistie générale), mais deux jours plus tard, c’est un « niet ! » catégorique qui retentissait à Kiev. Apparemment, l’Ukraine n’a jamais renoncé à l’option militaire, mais utilisait le processus de négociation pour gagner du temps, à l’image de ce que la Croatie avait fait avec la Krajina entre 1992 et 1995. À l’époque, Washington avait gorgé d’armes la Croatie, fait évacuer les Casques bleus de l’ONU et le gouvernement croate avait nettoyé ces territoires de leur population serbe en trois jours (l’opération tonnerre), avant que l’armée yougoslave n’ait le temps de se porter au secours de cette république serbe. La décision russe de reconnaître ces deux républiques lui donne le droit d’apporter une assistance militaire à ces deux entités, possibilité qui, de plus, est formalisée dans le traité d’amitié et d’assistance qui a été signé en même temps que le décret présidentiel de reconnaissance. L’armée ukrainienne va donc se retrouver face à une véritable armée et non une milice populaire comme aujourd’hui. Les habitants du Donbass vont pouvoir recommencer à vivre.
FP...