Arménie : le vignoble perdu
OPINION. Au moment où des tensions ressurgissent dans le Haut-Karabakh, notre lecteur regrette le manque de soutien de la France à l’Arménie face à l’Azerbaïdjan.
Cela s’est passé à Yerevan où je me trouvais la semaine dernière, pour raison professionnelle. Pour ceux qui n’y sont jamais allés, on ne peut pas dire que Yerevan soit une belle ville. Mais elle sait vous envoûter. Est-ce le parfum de genévrier qui flotte dans l’air frais du matin, les sourires, l’accueil, la générosité de ses habitants, ses brèves pluies chaudes de l’après-midi, cédant à la douceur d’une soirée ensoleillée, ou l’animation de ses rues : musiciens, vendeurs de fruits, mûrs et parfumés, de jus de grenadine ? Ou bien est-ce le sentiment de la fragilité de ces instants de vie paisible et ordonnée : du haut du monument Cascade, le point le plus élevé de la ville, on voit se dresser le mont Ararat, qui semble proche à pouvoir le toucher des doigts. Symbole de l’Arménie, il est aujourd’hui en Turquie, révélant la proximité du danger d’un ennemi inexpiable.
C’était donc le dernier jour de mon séjour. Les affaires qui m’avaient amené à Yerevan s’étaient déroulées mieux que prévu, et le programme avait été respecté à la lettre. J’étais attablé dans un petit restaurant, avec la consultante qui m’avait assisté durant tout mon séjour, pour célébrer ce succès. Vers le milieu de la soirée, un convive dînant un peu plus loin se tourne vers moi et me demande d’où je viens. Mon accent français, quand je m’exprime en Russe, devait détonner dans le patchwork des diverses intonations caucasiennes. Je lui réponds donc que je suis français. Il me souhaite la bienvenue à Yerevan et apprend que je repars le lendemain. Il se fait alors un bref silence, puis, avec un regard triste, il me dit : « Tout ce soutien que vous accordez aux Ukrainiens, nous on n’est pas contre. Mais pourquoi n’avez-vous pas fait de même, quand nous étions attaqués par...