Christian Bobin : lettre d’adieu au poète du cosmos
OPINION. Il y a une semaine, le poète Christian Bobin s’éteignait à l’âge de 71 ans. Notre lectrice rend hommage à cette âme qui communiquait avec raffinement son émerveillement pour la nature.
Cher Christian,
C’est aujourd’hui dimanche, il est 15 h. C’est à peu près à ce moment-là que votre regard perçant de chat céleste a été porté en terre la semaine passée. Et je dois vous l’avouer, le scintillement inoubliable de vos yeux couleur de lac après une pluie d’orage me hante. Aucune possibilité de parler de manque, car votre absence plus que vive a accompagné chaque jour de ma semaine. Parfois, l’écoulement du temps est une brûlure de l’âme.
Depuis que j’ai le bonheur de lire, lorsque je découvre un auteur qui me bouleverse, j’ai une fâcheuse tendance à dévorer l’intégralité de sa bibliographie. Vous êtes le seul pour lequel je ne me sois pas lancée dans cette frénésie boulimique. J’ai conservé sur une étagère une vingtaine de vos livres comme de précieux sésames vers un monde gracieux pour les jours difficiles.
Cher poète, qu’il est beau le lien qui se crée entre un écrivain et son lecteur ! Tellement beau que je vais immanquablement échouer à tout vous dire ! La perte d’un parfait inconnu pour lequel on a une si grande affection est une chose bien étrange… et je réalise par le truchement de ma peine que vous étiez une sorte d’ami à mes yeux.
Je ne compte pas le nombre de fois où l’énergie de votre poésie m’a délivrée de mes peines. Quand la vie se faisait froide, une part de votre âme m’évitait le naufrage. Comme le pensait Victor Hugo, n’est-ce pas le travail d’un ami d’être « un ange silencieux qui nous remet sur nos pieds quand nos ailes ne savent plus voler » ?
Quand j’étais sombre, quand un moment je cessais de croire à la beauté de la vie qui reste pourtant toujours là, à portée de la main, votre œuvre lumineuse n’a eu de cesse de...