opinionsLangue française

Considérations inactuelles sur les maux qui ruinent la langue française

CONTRIBUTION / OPINION. En tant qu’objet historique, la langue française est par essence non figée. Mais si elle est aujourd’hui la cible de nombreuses menaces (globish, écriture inclusive, réformes incessantes…), c’est que nos élites sont, de manière inédite,  indifférentes à son sort, et donc à celui de la France.

langue-francaise-maux-rongent


La grande affaire des linguistes depuis deux siècles est l’oral. Les langues sans écriture les émerveillent : beautés, grandeur, vastes capacités d’expression et surtout sources inépuisables de poésie. Rousseau est l’un des premiers à s’être enthousiasmé pour ce qu’il a appelé les langues du Sud — en réalité, les langues orientales — et que l’on qualifiait aussi de primitives ou de sauvages. Le primat de l’oral a fait les délices des écrivains. On a feint de croire que le peuple, jusque-là sans voix, parlait enfin dans les œuvres où l’oralité dominait. Cela a semblé progressiste. Le je du narrateur a peu à peu éliminé toute autre personne. Les expériences de Queneau ont été drôles, surtout dans la chansonnette. Céline a inventé un faux oral, tout en art et artifice, souvent insolent, mais qui est étranger à l’oral authentique. Duras a fabriqué un écrit oralisé, que n’importe qui peut parodier : les amuseurs ne se font pas prier. La nature de la langue étant d’être orale, la communication et les méthodes audio-orales se sont imposées dans l’enseignement, en même temps que l’on a délaissé les langues anciennes, dites mortes, qui ont été pendant plus d’un millénaire les langues par lesquelles se transmettait le savoir. Depuis les années 1970, l’expression orale est reine. Ce qui s’impose, c’est la parole et tout ce qui l’accompagne dans les classes : bavardages, brouhaha, chahut. L’important n’est plus la concentration de soi sur soi, préalable à tout apprentissage, mais l’échange et le partage.

Il est important d’étudier l’oral pour lui-même, ainsi que les langues sans écriture, dont beaucoup sont menacées de disparaître. Dans le cas de la langue française, la préférence orale va à l’encontre de ce qu’est la langue française : c’est une scripta. La forme écrite prime et c’est cette forme qui fait la langue. Dans un pays...

Vous aimerez aussi