Contre l'agriculture cellulaire
Face aux horreurs de l'élevage intensif, de plus en plus de bonnes âmes rêvent d'une agriculture "cellulaire", sans animaux de ferme. Voici pourquoi c'est une fausse bonne idée
La violence qui touche les animaux dans l'industrie agroalimentaire semble depuis quelques années sortir de l’ombre: nos consciences avaient sans doute été trop longtemps engourdies par les publicités qui, pendant des décennies, se sont ingéniées à nous rassurer sur l’hygiène des produits, la maîtrise des procédures et la gestion d’un "bien-être animal" dûment normé.
C'est à travers les réseaux sociaux que les hérauts de la "cause animale" ont découvert cette violence. Manifestant souvent le zèle des nouveaux convertis, beaucoup d'entre eux en ont déduit un peu vite que tout rapport de travail avec les animaux relevait de l’exploitation et qu’il fallait rompre avec dix millénaires de domestication, en premier lieu avec les animaux de ferme, pour mettre en place une agriculture sans élevage. Cela non pas en convertissant la planète au véganisme mais en imposant l’agriculture "cellulaire", cette méthode encore expérimentale consistant à produire du lait et de la viande à partir de la culture de cellules et de micro-organismes.
Or, loin d’être une innovation de rupture, le rêve d'une agriculture cellulaire représente le stade ultime de la logique qui est à l'oeuvre à l'heure actuelle, à savoir l'élevage industrialisé, mondialisé et financiarisé. Un mode d'élevage qui, contrairement à ce qui est souvent écrit, n’a pas débuté par nécessité après la Seconde Guerre mondiale mais dès le milieu du 19ème siècle sous les auspices du capitalisme industriel et de la naissance de "la science de l’exploitation des machines animales", autrement appelée "zootechnie".
Pendant des siècles, les animaux ont été des partenaires de travail, intelligents et sensibles, vivant à l’aune de la dure vie des paysans... jusqu'à ce que les zootechniciens et les vétérinaires les transforment en automates au service de la production animale, c'est-à-dire au service de la production de la matière animale à partir des animaux. Non pas parce...