Contre l'ultracrépidarianisme : demandez-moi ce que je sais, je vous dirai ce que je ne sais pas !
CONTRIBUTION / OPINION. S’il y a bien un mal dont souffrent peu de nos contemporains, c’est bien du syndrome de l’imposteur. L’effet « Dunning-Kruger » est peu à peu devenu l’un des principaux défauts de la conversation publique, regrette notre lectrice.
« Docteur, je ne suis pas médecin, mais vous devez me prescrire des antibiotiques, car mon angine blanche est d’origine bactérienne… Mais docteur, pourquoi voulez-vous donc que je prenne ce médicament, alors que ce traitement semble plus approprié pour soigner ma maladie ? Êtes-vous vraiment sûr qu’il s’agisse bien de cette maladie ? Parce que ça ressemble franchement plus à ceci si je me fie à ce que j’ai lu à propos de cela…
_Tenez, voilà une ordonnance vierge, prescrivez-vous donc ce que vous savez être adapté à votre problème, et ne me demandez plus mon avis puisque vous semblez bien plus compétent que moi, souhaiterait répondre en hurlant le devenu inutile et incompétent praticien ! »
Moult officiers de santé redoutent désormais ces patients devenus experts qui dénigrent la posologie, la durée d’un traitement quand ce n’est pas la teneur même de celui-ci ou du diagnostic qui sont remis en doute. Mais qu’ils osent donc remettre en place ces prétendus disciples d’Esculape : « À chacun son métier, les vaches seront bien gardées ! »
Quel besoin, dès lors, de faire dix ans d’étude de médecine, alors que quelques lignes glanées sur le web, café du commerce mondialisé et émancipé, permettent de comprendre assurément que cette foutue grippe n’est pas très difficile à soigner, pardi ! Il ne faut pas penser que ce terne thérapeute en sait plus que nous : c’est tout de même facile à comprendre et à diagnostiquer ! Et puis, comment faire confiance à ce gars taiseux et par conséquent douteux derrière sa blouse blanche, qui ne prend pas le temps de vous expliquer dans le détail ce qu’il vous prescrit, et pourquoi ? Autant s’en assurer soi-même, c’est beaucoup plus fiable et certain. Et puis, ce médicament qu’il me somme de prendre scrupuleusement et qui n’est pas adapté à ma pathologie, c’est sans doute parce qu’il a...