opinionsLa France insoumise

« Créolisation », le Grand Détournement

CONTRIBUTION / OPINION. Pour un Antillais, entendre Jean-Luc Mélenchon parler de « créolisation » relève du supplice et de la manipulation. Car derrière les envolées lyriques se cache une quadruple imposture : historique, culturelle, politique et sémantique, dénonce notre contributeur.

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Crédits illustration : ©Chang Martin/SIPA


Il n’est pas possible de laisser souiller le mot « créolisation » plus longtemps. Le Martiniquais que je suis a la nausée, chaque fois qu’il entend ce mot utilisé par Jean-Luc Mélenchon. Car, le leader de LFI commet une quadruple imposture en lançant ce concept dans le débat public avec le sens qu’il lui prête. Comme personne ne semble s’en soucier. Il est donc temps qu’un Créole lui demande d’arrêter.

La première imposture de Mélenchon est qu’il laisse croire à qui veut l’entendre que le terme a été initié par Édouard Glissant. C’est faux. L’écrivain martiniquais a fait une OPA sur un concept qui existait bien avant qu’il ne commence à l’employer avec un sens politique. Si Glissant a écrit les plus belles pages de la littérature antillaise (notamment La Lézarde, et plusieurs de ses recueils de poèmes), beaucoup de ses réflexions philosophiques ou politiques, étaient très absconses, pour dire les choses aimablement.

La Créolisation désigne un phénomène de syncrétisme culturel, linguistique, musical, voire culinaire. À mesure que les différentes vagues d’émigration se sont installées dans les Antilles, elles ont renforcé la construction de la culture créole. Les Blancs, venus de France, les noirs, venus d’Afrique, d’abord. Puis, les Indiens d’Inde, venus remplacer les noirs qui fuyaient les plantations, après l’abolition de l’esclavage. Mais que ce soient les Indiens, ou les Chinois, ou encore des Arabes de Syrie ou du Liban, toutes ces populations parlent le créole, ont contribué à édifier la culture, les arts, la cuisine, voire l’économie créole.

Ainsi, le plat traditionnel martiniquais, ou guadeloupéen, est le Colombo, venu d’Inde. L’un des chantres de la biguine est d’origine indienne, un autre d’origine métropolitaine. Il y a des familles chinoises, juives, et arabo-musulmanes, qui jouent un rôle absolument vital pour le tissu économique en Martinique. Toutes ces populations ont aidé...

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