Dangereuses mélencholies
CONTRIBUTION / OPINION. La carrière politique de Jean-Luc Mélenchon est peut-être proche de la fin, voire déjà terminée. Mais cela ne fait rien : le fondateur de La France insoumise a achevé son œuvre. Peut-être pour le plus grand malheur de la France.
Nul ne l’ignore, le ton de Jean-Luc Mélenchon est bien souvent prophétique, pour ne pas dire eschatologique. En cela, il puise dans le style hugolien qui l’a nourri. Affrontement épique d’une majorité opprimée contre ses bourreaux, renversement des hiérarchies, tempêtes sociales… voilà la Légende des siècles arrachée à la gorge du poète, plongée dans l’écume bouillonnante du monde qui vient. Car le nôtre est finissant.
Cela, Jean-Luc Mélenchon l’a compris depuis toujours. Sa verve uranienne pousserait les monuments afin de les renverser plus vite. Il faut en finir et bâtir à la place une nouvelle France. Son idée est de jeter la nouvelle contre l’ancienne. Pour cela, il doit persuader une partie du pays que l’autre partie lui est hostile. Ce faisant, la France Insoumise ne témoigne pas de son dégoût des divisions, mais de son amour le plus ardent pour elles. En amour, on se tient près l’un de l’autre, aussi, elle ne fait bientôt plus qu’un avec le racisme qu’elle dénonce. Le wokisme qu’elle a laissé s’infiltrer et pourrir sa base républicaine est un infini vivier de frustrations et de séparatismes. On y trouve de tout, c’est le marché aux victimes : de genre, de couleur, d’occupation coloniale et j’en passe.
Charles Péguy tentait de nous faire comprendre que les socialistes avaient dégoûté l’ouvrier du travail. Pour lui, le combat en faveur de la cause des petits a peu à peu, au gré des tromperies politiciennes, conduit le peuple besogneux à se retourner contre son âme : le travail. Autrement dit, son identité et donc sa liberté. Nous retrouverons plus tard, avec un Pasolini nostalgique, l’aboutissement de cette entreprise, l’italien nous narrant ces démocraties occidentales où, malgré des classes sociales persistantes, ne se trouvent plus que des bourgeois dans l’esprit et l’avoir. N’est-ce pas d’ailleurs la plus importante des migrations,...