De la carte à la route : itinéraire d’un cycliste amoureux de la France
OPINION. Cet été, Front Populaire propose à ses lecteurs de partager un morceau de France. De la carte IGN crayonnée jusqu’au festival des sens, l’auteur raconte le chemin qui l’a mené à dévaler les routes de France en enfourchant son vélo.
On peut rencontrer un pays en le survolant vaguement à dix mille mètres d’altitude, comme s’il n’était que l’épiderme étalé, glissant sans effort par le hublot d’un aéronef miracle. Mais c’est, à l’inverse, en auscultant les cartes accordéons du Bibendum ou en coloriant les arborescences des fleuves et des rivières, issus du marron foncé des massifs vers les verts des plateaux et des plaines, que l’appétit du pays m’est venu.
Par la vitre arrière droite de la bagnole qui traversait le paysage, j’avais déjà aperçu, moi, petit paquet en transit, les variétés des chemins, des villages, des forêts, des bocages… Mais c’est en décidant de comparer les routes jaunes ou blanches des cartes Michelin que le goût de la géographie m’est arrivé : lire Stendhal, Zweig ou Mishima pour retrouver sa propre vie, c’est un peu comme déplier la feuille coloriée pour y projeter l’idée de la promenade qu’on envisage, le printemps 1969 n’était pas particulièrement accueillant, mais l’idée de façonner un corps à corps vertical de Paris à la Méditerranée m’est venu en examinant les moyens très simples dont je disposais. Un vélo « demi-course », un sac de couchage emballé dans un plastique, un carnet à spirale et le crayon que l’on taille avec le couteau pliant, un vieux Leica dans un pull, comme une pépite pour guetter en visionnaire découvreur, et surtout toutes les illusions de celui qui imagine que cinq heures à vingt km/h durant une grande semaine peuvent finaliser la traversée d’un pays de vent, de soleil, de tape-cul et de virages. C’est en se coltinant ces déceptions et les douleurs des montées que les joies des ombrages tranquilles ou bien les thés au lait brûlants finissent par révéler au jeune citoyen la beauté de la vie amoureuse vagabonde. Le vélo, ce n’est pas du billard lorsqu’on découvre...