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Didier Lemaire : « Une grande partie de la gauche française n'a jamais été républicaine »

ENTRETIEN. À quoi joue la France insoumise ? Le divorce entre le mouvement de Jean-Luc Mélenchon et la République est-il consommé ? Pour Didier Lemaire, professeur de philosophie qui a longtemps enseigné à Trappes, la position « insoumise » en réponse aux drames qui ont ensanglanté Israël est sans équivoque.

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Front Populaire : Du soutien, cet été, aux « émeutiers » jusqu’aux timides condamnations des massacres du Hamas en Israël, voyez-vous un fil directeur dans la ligne idéologique de la France insoumise ?

Didier Lemaire : D'un point de vue général, le fil directeur est d'abord celui de la gauche qui, sous l'impulsion de Terra Nova et pour des raisons électorales, a abandonné les travailleurs au profit des luttes « sociétales ». En 2014, dans son livre L’Ère du peuple, Jean-Luc Mélenchon, grand admirateur de la Révolution d'octobre 1917, a donné une formule léniniste à cette substitution : « L'histoire récente a montré comment les révolutions de notre temps naissent sous la forme de mouvements urbains. Ce n'est donc pas dans l'entreprise ni autour de revendications corporatives des salariés qu'éclatent les processus révolutionnaires ». Puis, à partir de 2016, il découvrit Gramsci et la « lutte pour l'hégémonie culturelle », c'est-à-dire la nécessité de saper « l'idéologie dominante » par le recours systématique à la violence dans le débat public. Il s'agissait, dès lors, de créer les conditions de la révolution – une guerre civile débouchant sur la prise du pouvoir – en fabriquant le mythe d'un nouveau peuple, l'entité des « dominés », sur le modèle des luttes identitaires intersectionnelles. D'où la volonté de s'attaquer aux principes républicains de liberté et d'égalité, en présentant les musulmans manipulés par les islamistes comme des victimes d'une « islamophobie » et d'un racisme consubstantiels à la société française et à ses institutions (la police, la Justice et accessoirement l’École).

La stratégie révolutionnaire, celle de Trotsky avec sa « révolution permanente » et celle de Lénine, qui s'appuya, faute de prolétariat substantiel, sur le ressentiment des paysans pauvres et des minorités nationale pour conquérir le pouvoir, reste la même. La plupart des marxistes du XXe siècle n'ont jamais procédé autrement. Certains théoriciens de gauche considéraient déjà les mouvements islamistes comme des alliés....

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