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Dire pour ne pas faire : l'impuissance publique maquillée

CONTRIBUTION / OPINION. Dans un théâtre politique qui marche au tempo de la communication, l’action n’est plus nécessaire. Les décideurs peuvent désormais dissimuler leur impuissance voire leur lâcheté derrière de braves paroles.

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Gabriel Attal, Premier ministre français, en conférence de presse le 16 mai 2024.Crédits illustration : © Jacques Witt/SIPA


Les citoyens et observateurs intéressés par la chose publique ont probablement déjà fait ce constat : la communication politique est peut-être en train d’enterrer définitivement ce fameux paradigme que l’on doit à John Langshaw Austin, un des théoriciens de la « pragmatique » : quand dire c’est faire.

L’idée de base de la pragmatique est assez simple : au-delà de la délibération publique, la communication politique a vocation à se déployer dans l’action. Il est donc nécessaire que le discours politique contienne un énoncé dit « performatif ». Mais bien dans cet ordre. Sous cette acception, le dire était considéré comme un acte de langage ayant vocation à annoncer, accompagner et valoriser un objectif programmatique.

Sous ce concept de la pragmatique, la force du dire résidait dans la nécessité de l’action qu’il précédait et libérait en même temps son pouvoir d’exécution. Comme l’écrivait Michel Foucault dans Surveiller et punir, le pouvoir n’est pas préconstruit, il devient pouvoir en s’exerçant.

L’idée sous-jacente définissait tant l’amont que l’aval de la prise de parole publique comme relevant de la décision politique. Je conçois (1) — je dis (2) ce que je mets en œuvre (3). Les trois temps du processus étant bien sécables et autonomes.

Ce système était possible tant que la langue politique bénéficiait d’une légitimité sociale et tant qu’elle n’entrait pas en conflit avec d’autres instances de parole. Une clause de non-concurrence publique en quelque sorte. Cela fait bien longtemps que ce n’est plus le cas. Collectifs, influenceurs, lanceurs d’alerte, ou simples papoteurs en réseau ont débridé l’espace démocratique et médiatique. Au point que le politique doit désormais partager la « mise sur agenda » avec une communauté d’acteurs.

Par ailleurs, la décision politique a perdu de son pouvoir de verticalité, essentiellement pour une raison de complexité et de désordre institutionnel. L’aval, pas plus que l’amont, n’est réellement « tenu »....

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