L’un de mes « patrons » m’avait lancé à propos de l’usage occasionnel de la langue anglaise : « Il vous suffit de posséder 100 mots de vocabulaire pour vous débrouiller ». À l’usage, j’ai vite compris, que ce raccourci était à peine suffisant pour communiquer lors d’une conversation domestique, mais l’était moins pour comprendre un interlocuteur texan, et pas du tout quand il s’agissait de répondre aux questions posées après une communication à la tribune d’une Société savante anglophone. À la longue — chacun en a fait l’expérience —, cette utilisation occasionnelle oblige chaque fois à effectuer un nouvel effort d’apprentissage au risque de tout perdre. Et, comme tous ceux de ma génération, enfants de la méthode syllabique, instruits à l’aune d’un sévère contrôle des bases lexicales et grammaticales de notre langue de naissance, entraînés au « par cœur » des grands textes de notre littérature, il faut bien admettre, qu’à défaut d’une longue immersion dans le bain anglo-saxon, il est impossible de se départir d’un ancrage linguistique indélébile, nous conduisant à commettre l’outrage d’une traduction littérale du français vers l’anglais et non pas l’usage fluently des distingués idiomes de la langue de Shakespeare.

L’exercice de la chirurgie exige rigueur dans son exécution et précision du récit qu’on en fait. De plus, la particularité de notre spécialité chirurgicale est d’inclure dans notre démarche médicale un paramètre mathématique et surtout géométrique. Ni l’un ni l’autre ne tolère le moindre à peu près. Et de fait, nous avons été formés à penser axe et degrés sur un support anatomique qui ne souffre lui-même d’aucune connaissance approximative. C’est probablement, pour beaucoup d’entre nous, cette exigence de précision qui nous a conduits à choisir cette spécialité chirurgicale plutôt qu’une autre.

En quoi, la pratique fine de la langue française est-elle à rapprocher de la pratique de la chirurgie orthopédique ?...