Professeur chevronnée de terrain, depuis plus de vingt années, de « français » — en Lettres modernes et ayant osé m’adonner à des études de philosophie —, je voudrais témoigner de l’ambiance délétère actuellement à l’œuvre, au sein de l’Institution. Pour ce faire, à titre d’exemple symptomatique, laissez-moi vous conter un instantané des plus révélateurs, vécu dans le cadre d’un conseil de classe. En l’instance, des professeurs de plusieurs disciplines s’y retrouvent pour échanger, et parfois confronter leurs points de vue, alors que sont vidéoprojetés les bulletins et résultats d’élèves d’une même classe. Ces réunions non seulement s’avèrent de plus en plus superficielles, mais les équipes n’ayant guère l’occasion de dialoguer entre elles, des affrontements verbaux s’y font jour et y éclosent, le b-a-ba de la communication non violente s’avérant à la marge des formations requises et plébiscitées généralement.

En outre, ces rencontres peuvent prendre un tout autre tournant, à l’heure où l’intelligence artificielle entre dans les écoles et où le « tout numérique » prédomine, avec notamment les certifications pix — sortes de « quizz » qui valorise l’expressivité de clics rapides, où toute pensée complexe est absente, où le « réflexe » l’emporte sur la réflexion elle-même, et dont la validation est devenue obligatoire pour l’obtention du brevet — .

Ainsi, un mardi du mois de mars 2024, me trouvais-je là, en compagnie de mes collègues, de la chef d’établissement pour traiter des différents profils d’une de mes classes de sixième. C’était mon deuxième conseil de classe de la soirée, et je m’étais déjà rendue à ceux de mes deux autres classes de troisième, la semaine précédente. Dans mon service, je pratique ce que dans le jargon on appelle « le grand écart », enseignant aux entrants et aux sortants d’un collège des Alpes Maritimes.

Ayant enseigné dans plusieurs académies, en passant par la Lorraine, néo-titulaire à Creil,...