Philippe Nemo : « Depuis 1946, des forces de gauche décident des contenus et des modalités de toute l’éducation en France »
ENTRETIEN. Comment sommes-nous passés de l'école des hussards noirs à celle qui dégringole dans les classements internationaux ? Dans L'Éducation nationale : origine, apogée et déclin d'une idée (éd. PUF), le philosophe Philippe Nemo retrace la trajectoire historique d'une certaine idée de l'instruction publique.
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Front Populaire : Dans votre ouvrage, vous revenez aux origines de l’idée d’une éducation publique gérée par l’État. Cette généalogie nous permet-elle de dresser les contours d’un modèle éducatif propre à la France au cours des siècles ?
Philippe Nemo : Oui, puisque cette généalogie est propre à la France. Dans de nombreux pays occidentaux, on s’est appuyé sur l’État pour promouvoir un enseignement quelque peu décalé de l’enseignement ecclésiastique, supposé être hostile ou indifférent aux sciences modernes. Mais partout ailleurs, dès que les Églises ont été dépossédées de leur monopole éducatif, on a laissé subsister un certain pluralisme scolaire. Pluralisme renforcé dans nombre d’États fédéraux où l’éducation est gérée par des collectivités locales. Voyez les cantons suisses, les Länder allemands, les régions italiennes ou espagnoles, les États, comtés et villes américains… Il n’y a qu’en France qu’il y a monopole et centralisation. Le gigantisme et la rigidité de ce « mammouth » d’1,2 million d’employés le rendent strictement ingouvernable. Il échappe à tout contrôle démocratique et il est devenu une machine folle sans pilote. Ses résultats désolants lui valent désormais les dernières places dans les classements internationaux.
Front Populaire : Pourquoi dites-vous que le changement de nom de l’institution en 1932 – de ministère de l’Instruction publique à celui de l’Éducation nationale – a marqué le début de sa chute ?
Philippe Nemo : Parce que le projet de donner une « éducation » plutôt qu’une « instruction » à toute la jeunesse, en usurpant le rôle éducatif des familles, était un vrai changement de cap par rapport à l’école républicaine de Jules Ferry. C’était un retour au projet de Robespierre et des Jacobins voulant créer une éducation d’État afin de « changer le peuple », supposé corrompu par l’Ancien Régime. Les hommes des Lumières s’étaient opposés à ce projet qui faisait de l’État une nouvelle Église. Suite à ces critiques, la loi Guizot...