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Gouverner par la peur : le dernier refuge des civilisations sans projet

CONTRIBUTION / OPINION. Du climat à la Russie en passant par le Covid, la terreur sécuritaire est devenue l’outil principal du pouvoir. Face à l’effondrement du dernier grand récit européen, les gouvernements réinvestissent la peur comme ressort politique, faute de pouvoir offrir un véritable imaginaire politique.

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Crédits illustration : ©JEANNE ACCORSINI/SIPA


Juillet 2025. Le chef d’État-major des armées françaises, Thierry Burkhard, qui a démissionné depuis — remplacé par le général Fabien Mandon —, met en garde contre un « risque d’effondrement civilisationnel ». Quelques jours plus tard, Emmanuel Macron, dans son discours aux armées, en appelle à « la vigilance permanente face aux menaces hybrides ». Les mots sont pesés et redondants : désinformation, sabotage, infiltrations, manipulations psychologiques. À les entendre, l’ennemi est partout et tout le temps. Le pouvoir joue désormais sur les nerfs de ses citoyens comme un pianiste sur son clavier : en jouant de la peur.

Il y a quelque chose de malsain au cœur de la République lorsque la politique n’est plus l’art de faire advenir un monde, mais celui de retarder sa chute. Cette bascule signe l’épuisement d’un âge. L’histoire nous enseigne que les grandes civilisations ne se maintiennent pas par le sursaut défensif, mais par la croyance active en un avenir désirable. C’est en cela que notre époque est si profondément orpheline.

Une société saine ne se gouverne pas par l’effroi, mais par l’enthousiasme. Elle n’avance pas les yeux uniquement rivés sur les menaces, mais le regard tendu vers l’horizon. Depuis la cité athénienne rêvant de justice jusqu’à la République jacobine en quête d’émancipation, les projets collectifs ont toujours porté les peuples au-delà d’eux-mêmes. Qu’ils fussent glorieux ou monstrueux, qu’ils s’appellent communisme soviétique ou Troisième Reich, ils reposaient tous sur un mythe fondateur, une promesse mobilisatrice, parfois même une illusion sacrificielle. Ce n’est pas ici leur valeur morale qui importe, mais leur puissance structurante.

Sans telos, le demos s’effrite. Aristote, déjà, soulignait que le lien civique ne pouvait se réduire à juste vivre côte à côte, mais devait viser le bien commun. Nietzsche, plus tard, dans La généalogie de la morale, dénoncera les sociétés fondées non sur...

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