Harcèlement à l’école : ne jouons pas aux pompiers pyromanes
CONTRIBUTION / OPINION. Si le problème du harcèlement scolaire dépasse le seul cadre de l’école, il se nourrit aussi des faiblesses structurelles de l’Éducation nationale.
Face aux récents scandales de harcèlement scolaire ayant entraîné la mort de plusieurs adolescents, nombreux sont les commentateurs, juristes, psychologues et membres d’associations à avoir proposé des solutions pour endiguer le phénomène. Le harcèlement à l’école est souvent présenté comme un problème à la fois très large et très circonscrit : d’un côté il dépasserait le cadre de l’Éducation nationale en raison de son déploiement en partie hors l’École (au travers, notamment des réseaux sociaux) ; de l’autre, il relèverait d’une situation très spécifique nécessitant des réponses ciblées et particulières. De là toute une série de préconisations supposées agir en amont (avec les nombreuses formations et sensibilisations à destination des élèves, enseignants et parents) et en aval (par le biais notamment de mises à l’écart des d’élèves harceleurs). Qu’il nous soit ici permis, en tant qu’enseignant exerçant depuis une quinzaine d’années en collège, d’insister sur le fait que le harcèlement scolaire est aussi lié aux difficultés générales qui entravent le bon fonctionnement des établissements. Il est possible d’illustrer cette dimension au travers de trois exemples concrets, trois cas d’école.
À commencer par les cours de récréation, lieux tout à fait cruciaux pour anticiper le harcèlement. Ces espaces fréquentés plusieurs heures par jour par les élèves présentent des réalités très diverses : certains s’apparentent à de véritables jungles où règne un mélange d’anarchie et de loi du plus fort (discipulus discipulo lupus est), tandis qu’on observe dans d’autres un juste équilibre entre délassement, défoulement juvénile et respect des autres. On peine à s’imaginer les différences d’ambiance qui existent entre les établissements selon que leur cour de récréation est plus ou moins bien tenue : la présence physique d’adultes, leur capacité à observer les élèves sans pour autant tomber dans une surveillance policière et leur volonté de toujours intervenir lorsque des manquements aux règles...