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Henry David Thoreau : Walden ou le génie du pas de côté

CONTRIBUTION / OPINION. Dans Walden ou la Vie dans les bois, Thoreau expérimente une vie réduite à ses nécessités. Loin de l’isolement romantique, l’auteur articule expérience personnelle et critique sociale pour offrir un modèle de simplicité volontaire, pour une vie pleine, lucide et joyeusement désobéissante.

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Le lac Ruovesi d'A. Gallen-Kallela (Fondation Louis Vuitton, Paris)Crédits illustration : Flickr ©Jean-Pierre Dalbéra


Avant de lire un livre, on le regarde. On le feuillette. Le titre est encore paré de mystères qui feront sens un peu plus tard ; ainsi j’imaginais que Walden était le nom du personnage principal de ce récit — c’est en réalité le nom de l’étang à côté duquel Henry David Thoreau a construit sa cabane pour y vivre seul pendant deux ans, du printemps 1845 à septembre 1847. Comme l’édition était illustrée par un détail d’un tableau de Luis Rigalt représentant des arbres dans la pure expression du romantisme, je m’attendais vaguement à ce que les paysages décrits fussent une projection du grand Moi de l’auteur, de ses tristesses et autres profonds états d’âme. Or cet OVNI de la littérature américaine paru en 1854, réclame un tout autre imaginaire que les « ornières profondes où l’homme se perd », il inaugure un geste qui doit tenir son auteur à la rencontre de deux éternités, le passé et le présent, espérant ainsi « vivre abondamment », « à l’os de la vie », car la réalité est toujours « réjouissante et sublime », et c’est un solide point d’appui pour la pensée.

Pour cela, quelques pas de côté sont nécessaires ; dans un long premier chapitre intitulé « Économie », Thoreau mène à la fois le récit de la construction de sa cabane à Walden, étang situé à quelques kilomètres seulement de sa ville (Concord, Massachusetts), puis il tente d’expliquer son geste — réduire l’existence à sa plus simple expression — et livre sa comptabilité, les moyens dérisoires qui ont été nécessaires à son installation. Le mot d’ordre : simplifier, se débarrasser des fermes, des granges, du bétail, de l’opinion publique, des vêtements à la mode, des préjugés, des impostures et illusions qui ne sont que « hâte et gaspillage de vie ». Il cultive la mesure, le calme, et organise...

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