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Inclusion des élèves allophones dans les classes ordinaires : autopsie d'une imposture

CONTRIBUTION / ANALYSE. À l'école, l'inclusion à tout prix ? Jean-Charles Rafoni, linguiste et docteur en sciences du langage, revient sur le système d'intégration à marche forcée des élèves "allophones" dans les classes ordinaires, et souligne les conséquences contre-productives de ce dogme.

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© ROMUALD MEIGNEUX/SIPA


Dès les années 1980, et faisant suite au décret instituant « le regroupement familial pour des travailleurs étrangers séjournant régulièrement en France », un nouveau public d’élèves au profil singulier fit son apparition à l’école française : des enfants identifiés comme non-francophones et  primo-arrivants, regroupés dans des structures spécialisées à faible effectif afin d’y suivre pendant une  ou deux années maximum un enseignement linguistique et scolaire qui leur permettait de rejoindre  après coup et à temps complet leurs camarades natifs dans les classes ordinaires. Aujourd’hui, face à  l’accroissement des élèves allophones dans les classes, les questions qui restaient à l’époque  ponctuelles et limitées aux seules classes d’initiation (1) deviennent centrales et préoccupantes chez les  enseignants : diversité des origines linguistiques dès l’école maternelle, inclusion généralisée des  élèves en difficulté dans les classes ordinaires, multiplication des directives ministérielles qui dressent  toujours un diagnostic lucide sans pour autant l’accompagner d’effets au regard de la montée  inexorable de l’illettrisme, du constat réitéré de la piètre maîtrise de la langue à l’école et du  déclassement systématique de la France à chaque évaluation internationale. Nous tâcherons ici et à notre modeste niveau d’apporter un éclairage didactique à l’ensemble de ces problématiques.


La diversité des publics allophones


Il conviendrait d’abord de faire un rapide balayage terminologique, tant le terme « allophone » est polysémique et tend à faire écran, sous une généralisation abusive, à l’hétérogénéité radicale des publics.

Dès l’origine, à l’école élémentaire et au collège, des élèves à l’apparence insolite avaient été  durablement caractérisés par une double dénomination (2): « non-francophones » et « nouvellement  arrivés ». Il n’échappera à personne que le terme « non-francophone », affublé d’un préfixe privatif  qui exprime d’emblée une qualité absente, presque un défaut, est aujourd’hui malvenu, décrié et effacé  des textes officiels comme des travaux de recherche. Le terme cède maintenant la place à celui  « d’allophone » et consacre...

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