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Israël-Gaza et le changement de paradigme

CONTRIBUTION / OPINION. Dans son essai Holocaustes (Plon), le géopolitologue Gilles Kepel met en lumière les multiples bouleversements à l’échelle mondiale du conflit israélo-palestinien, notamment pour l’Occident.

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Gilles Kepel - Holocaustes (Plon, 200 pages)


L’attaque perpétrée par le Hamas sur le territoire israélien le 7 octobre dernier, qui a conduit à l’assassinat de 1140 personnes et la prise d’otage de plus des 250 individus, suivie de l’effroyable massacre de plus de 40 000 Palestiniens, sans parler des infrastructures gazaouies détruites, auraient encore plus d’ampleur que les attentats du 11 septembre en termes de retombées géopolitiques et de changement de paradigme.

En effet, ce qui se joue en toile de fond à l’échelle planétaire est un affrontement entre deux éléments de référence essentiels en guise de conception du monde : la mémoire de la Shoah, qui a entrainé la mise à mort organisée de six millions de Juifs et qui fait partie de l’identité occidentale, vis-à-vis de celle de l’Apartheid. Laquelle horreur, de son côté, sous-entend les affres du colonialisme des pays du Nord pour les populations dites du « Sud global » et qu’incarnent les Brics+ (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Égypte, Émirats arabes unis, Éthiopie et Iran).

Un groupe qui tente, dans un monde de plus en plus multipolaire, de tirer profit de la reconfiguration des espaces géopolitiques, initiée à la fin du monde unipolaire dominé par les États-Unis depuis le démantèlement du bloc soviétique en 1991. Et cristallisée par les attentats du 11 septembre 2001. C’est ainsi que l’attaque du 7 octobre 2023, qui s’inscrivait dans la tradition de la « razzia bénie », une expression louangeuse pour les djihadistes, allait préfigurer, selon certains oracles de la décolonisation, la fin de l’ascendance occidentale sur le reste de la planète, quand il ne s’agirait pas de la revanche ultime dudit « Sud global » fédérant Gaza et Téhéran à Pékin, Moscou, Niamey (Niger), Bamako (Mali), Alger et Caracas (Venezuela).

Pour le peuple juif, qui se croyait sanctuarisé en Israël, resurgissaient alors les souvenirs de la solution finale nazie,...

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