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J’ai vendu un vélo

Un texte décalé, pétri d’humanité. Les mots d’un abonné touché par une rencontre. Celle d’une femme et de ses deux enfants à qui il a vendu un vélo. A partir du récit de cet instant, c’est le portrait d’une France déclassée, souffrant en silence et empreinte de dignité que dépeint l’auteur.

/2020/07/Vélo

J’ai vendu un vélo.

Quoi de plus banal me direz-vous que de vendre un vélo ?

D’abord, ce n’était pas le mien, c’était celui de ma femme, avant que l’on se connaisse. Petite salariée au SMIC, durement éprouvée par la vie, elle avait économisé plusieurs mois avant de s’acheter ce vélo qui la faisait rêver. 150 €, une somme énorme, mais que de plaisirs dans la balade du dimanche matin.

Puis la maladie a mis un frein aux balades jusqu’à l'opération chirurgicale de la délivrance.

Après le temps de la rééducation, de longues années avaient passé et, un beau jour, je décidais de lui acheter un nouveau vélo.

Le sien trainait toujours. C’est fou au fond ce que l’on peut s’attacher à un objet. « Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? ». J’ai toujours pensé que oui. Ils sont là, autour de nous, témoins de notre vie ou intimement liés à notre personnalité. Ils sont un instantané de notre histoire. Dans « La Grande  Ombre », Conan Doyle décrit son séjour dans une auberge à Boulogne en 1805 : sous ses yeux, depuis sa fenêtre, assis devant un pupitre, il voit La Grande Armée de Napoléon qui s’apprête à envahir l’Angleterre. 10 ans plus tard, il revient dans cette même auberge : le pupitre est toujours là. La Grande Armée, elle, a été engloutie à jamais.

Ma femme me dit « séparons-nous de ce vélo qui ne sert plus. Il pourra être utile à quelqu’un. Je l’ai mis en vente sur un site de petites annonces bien connu pour la somme de 80 €. J’ai tout de suite eu un retour et rendez-vous a été pris pour la vente.

Une jeune femme, accompagnée de sa fille de 8 ans, de son fils de 5 ans, arrive au volant d’une 3008 noire. Je ne me doute pas qu’en 5mn,...

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