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La fin de la gauche, ou l’aboutissement du clivage français

CONTRIBUTION / OPINION. Après avoir détruit les structures de la monarchie, de l’Église, de la nation et de la famille, la gauche s’est trouvée sans ennemi à abattre. Devenue complice du capitalisme mondialisé, elle risque de mourir d’avoir trop gagné.

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Crédits illustration : ©JEANNE ACCORSINI/SIPA


La profonde réorganisation de la scène politique française, qui se manifeste dans la crise institutionnelle actuelle, repose sur deux causes communément admises : la droitisation de l’électorat et l’émergence d’une nouvelle opposition entre deux droites, l’une libérale et européenne, l’autre souverainiste et sociale. Mais il faut aller plus loin et en comprendre les racines profondes. Elle peut en réalité être lue comme l’aboutissement de plus de deux siècles de clivage gauche-droite.

L’histoire de la gauche française peut être lue comme celle d’une succession de combats contre les structures qui organisaient la société. Ses différents courants ont souvent divergé sur ce qu’il fallait construire, mais ils ont toujours partagé une même orientation : abattre les structures existantes.

Le premier combat, fondateur, fut celui contre la royauté au XIXᵉ siècle. Une fois la monarchie tombée, l’Église catholique devint le nouvel adversaire central. Dominant la vie politique, culturelle et éducative, elle légitimait les hiérarchies sociales et maintenait une emprise morale sur les individus. La gauche républicaine s’est alors définie par l’anticléricalisme. À travers l’école publique gratuite et obligatoire, les grandes lois laïques et la séparation de 1905, la victoire sur l’Église constitua un triomphe majeur de la gauche émancipatrice.

Mais, une fois ce combat gagné, la gauche se tourna vers une autre structure : la nation. Le rapport, cette fois, était plus ambigu et plus complexe. La nation avait été un instrument de libération en 1789, puisqu’elle incarnait la souveraineté populaire contre le roi et les privilèges. Les républicains modérés, de Gambetta à Ferry, y voyaient le cadre naturel de la République. Les marxistes révolutionnaires, en revanche, la rejetaient : pour eux, la nation n’était qu’un instrument de domination bourgeoise, et seule l’union internationale des prolétaires pouvait émanciper les peuples. Entre ces deux pôles, beaucoup ont hésité. La SFIO oscillait entre l’internationalisme de la Deuxième Internationale et...

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