Entre maastrichtiens et mélenchonistes, un peu plus que le désert annoncé
CONTRIBUTION / OPINION. Écartelée entre l’européisme décomplexé des maastrichtiens et la radicalité révolutionnaire des mélenchonistes, la gauche française, et plus généralement occidentale, semble avoir déserté le terrain des classes populaires. L’essayiste David Goodhart plaide pour une troisième voie : un populisme décent, socialement protecteur et culturellement enraciné.
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L’essayiste britannique David Goodhart (auteur de Les deux clans : la nouvelle fracture mondiale, et La tête, la main, le cœur : la lutte pour la dignité au XXIe siècle) est devenu célèbre pour sa distinction entre les enracinés (les « somewhere ») et les cosmopolites (les « anywhere »). Les premiers sont attachés à un terroir, vivent et meurent souvent à quelques kilomètres de leur lieu de naissance. Pour les seconds, au contraire, la mobilité, la domination de l’espace est un nouveau privilège de classe : ils ont la capacité à se sentir partout chez eux. Dans son célèbre essai, Goodhart montre que la gauche anglaise, et mondiale dans son sillage, s’est largement convertie à la cause et aux valeurs des cosmopolites. Le virage blairiste des années 90 au sein du parti travailliste traduit ce revirement, où la gauche anglaise épouse les valeurs cosmopolitiques, et délaisse par la même son électorat traditionnel d’enracinés. Le blairisme de fait est une synthèse entre un double libéralisme, économique dans la continuité de la contre-révolution conservatrice des années 80, et sociale dans le sillage de Mai 68. Tony Blair, dans ce que Goodhart appelle un thatchérisme de gauche, embrassait l’abandon par son parti des politiques keynésiennes, interventionnistes, pro-travailleurs sur le plan économique, tout en revendiquant un ensemble de valeurs culturelles et sociales post nationales. Hors d’Angleterre, ce thatchérisme de gauche a pris les formes de ce que Michel Onfray, parmi les premiers, a dénommé le courant « Maastrichtien ». Le monde nouveau dont rêve cette gauche est fait de dépassement de la nation, d’un libéralisme économique comme social émancipateur pour l’ensemble des citoyens du monde. Cette gauche, de fait, a défendu la mondialisation, l’immigration de masse, le libre-échange, la construction européenne, les abandons de la souveraineté nationale, la fin des politiques sociales keynésiennes, le démantèlement du droit du...