On pensait que les gauches étaient irréconciliables, puis que le « Front Républicain anti-RN » ne fonctionnerait pas. Pourtant, la gauche a formé le Nouveau Front Populaire (NFP) en deux jours, puis macroniens et NFP se sont mis d’accord en deux jours pour des désistements mutuels. L’initiative de Ciotti n’a été que très peu suivie, non seulement par les cadres du parti, mais aussi, semble-t-il, par les électeurs. L’analyse du choix des électeurs à l’aune de la diabolisation du RN et de la LFI ne semble pas pertinente. Ainsi, la fameuse stratégie du castor, qui consiste à faire des barrages aux extrêmes, ne permet pas d’expliquer le vote des Français. Avec la théorie du bouc émissaire comme facteur explicatif, tout peut s’éclaircir.

René Girard soutient que le désir humain est fondamentalement mimétique : nous désirons ce que les autres désirent. Cette imitation conduit inévitablement à des rivalités, car plusieurs individus finissent par désirer les mêmes objets ou positions. Ces rivalités peuvent escalader en conflits ouverts, menaçant la cohésion sociale. Pour éviter l’autodestruction, les sociétés humaines recourent à un mécanisme de résolution de crise par l’identification d’un bouc émissaire. Ce mécanisme consiste à désigner un groupe comme responsable de tous les maux et tensions de la société. En projetant les tensions sur ce bouc émissaire, la communauté parvient à détourner la violence vers cette cible. La mise à mort ou l’expulsion du bouc émissaire produit un apaisement temporaire, permettant de canaliser la violence et de rétablir l’ordre social. Girard voit dans ce processus une fonction cathartique et un fondement des rituels sacrificiels. Les sociétés utilisent les boucs émissaires pour canaliser la violence interne et restaurer l’ordre. Ce mécanisme est souvent ritualisé dans les religions et les mythes anciens.

Lorsque les sociétés modernes se sécularisent et s’éloignent des structures religieuses traditionnelles, elles perdent aussi les...