Le sacré et le profane dans notre société
CONTRIBUTION/OPINION. Notre société matérialiste a écarté toute forme de transcendance. Mais chassez le sacré et il revient au galop.
Mircéa Eliade a sans doute raison : l’acte de lecture seul, quoiqu’on fût athée irréductible, rationnel jusqu’au contrôle attentif de ses songes, nous fait ressusciter les vieux mythes au coin du feu ; nous consacrons les légendes de la tradition orale, dans une hiérophanie (manifestation du sacré) réinventée, car toutes les croyances découlent des cosmogonies primordiales, l’acte du mariage est d’ailleurs à ce titre une illustration supplémentaire hiérogamique (union sacrée) entre Gaïa et Ouranos, entre terre et ciel, entre femme et homme. Nous convoquons par le concours du calendrier grégorien, les cycles cosmiques, puisqu’il s’agit de l’actualisation de la révolution du soleil, rythmant ainsi les saisons, datant, solstices et équinoxes dans un universalisme abstrait inhérent à toutes croyances et religions.
Par conséquent, l’ordre du cosmos se mathématise dans le temps, et ce rapport au sacré que nous traversons par les fêtes, jours fériés, rites. Il figure l’éternel retour, l’intemporel réactivé périodiquement et transcendant le temporel historique de nos existences dérisoires. Cette horlogerie bien huilée ravive les expositions candides autour de l’origine de l’univers, sans doute parce que l’homme a besoin d’un Père, d’un père de ses pères, pour avoir à supporter le fardeau solipsiste du fœtus astral, à jamais dérivant dans l’éther. Or, me semble-t-il, le Père manque à la fête aujourd’hui, il se dérobe sous la puissante pesanteur des idéologies et cette tendance lourde de sens à faire comme si la civilisation chrétienne ou judéo-chrétienne ne constituait pas un socle religieux culturel (et non cultuel), nous place, sans doute, sur des sables mouvants, du moins la maison bâtie ainsi sans fondation, risque-t-elle de faire émerger des exigences de sacré cette fois-ci corrompues et abâtardies sous de mauvais auspices, lesquels conduiront inexorablement l’homme à sa perte.
« L’homme est un animal métaphysique », écrivait Schopenhauer. Et le rationnel le plus empirique, le...