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Baptiste Rappin : « L’État n’est plus rien d’autre qu’un des nombreux acteurs du management du parc humain »

ENTRETIEN. Baptiste Rappin est philosophe, chercheur, Maître de Conférences à l’IAE Metz School of Management et spécialiste des implications philosophiques du management. Dans Anachronismes - Éléments pour une philosophie de l'intempestivité (éditions Ovadia), il remet en cause l'idée de Progrès, annonciatrice d'une « apocalypse industrielle ».

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Crédits illustration : © Blondet Eliot -pool/SIPA


Front populaire : Anachronismes est une sorte de recueil proposant huit « pas de côté » philosophiques. Vous convoquez à la fois la biologie, l’histoire, l’anthropologie, la théologie… Si les textes partent dans des directions différentes, sur quoi peut-on fonder leur unité de sens ?

Baptiste Rappin : Les huit chapitres sont en effet autant de variations sur un thème commun : celui de l’intempestivité, c’est-à-dire de la résistance au mouvement du temps, ce que précisément traduit le terme qui sert de titre à l’ouvrage, Anachronismes. La modernité et plus encore la postmodernité imposent non seulement une direction univoque à l’action humaine, celle du progrès sous la forme de l’innovation technoéconomique, mais également une fuite en avant du temps qui ne laisse pas d’accélérer, encore et toujours, afin de faire advenir le plus tôt possible l’idéal recherché : mais celui-ci n’est plus un état définitif qui ferait place au repos une fois atteint, car la dernière nouveauté chasse aussitôt l’ancienne dans une course où il faut désormais sprinter pour demeurer sur place. L’intempestivité, qui traverse les huit anachronismes, est une tenue ou une retenue, un frein, qui s’abstient de toute forme d’adhérence et d’adhésion à cet esprit du temps.


FP : Votre ouvrage est le procès de la société industrielle et de ses effets. Vous parlez dès votre avant-propos d'une « apocalypse industrielle ». Que faut-il comprendre ?

BR : La plupart des analystes de la société sous-estiment l’importance de la révolution industrielle qui débuta dans la deuxième partie du XVIIIe siècle en Angleterre avant de gagner les autres pays européens puis de s’étendre à la planète : celle-ci est une rupture anthropologique aussi considérable que le fut, il y a douze mille ans, la révolution néolithique caractérisant le passage des sociétés de nomades aux sociétés de sédentaires. L’un des traits de la société industrielle est la substitution généralisée de la machine...

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